Au tournant des années 70, le pianiste et compositeur André Gagnon avait mené deux projets de stylisation baroque. Repris sur instruments d'époque par l'Orchestre symphonique de la Vallée-du-Haut-Saint-Laurent sous la direction de Daniel Constantineau, ces projets ont une nouvelle vie sous étiquette ATMA Classique.

Enregistré en 1969 chez Columbia, l'album Mes Quatre Saisons évoquait non seulement Les Quatre Saisons du compositeur de la période baroque Antonio Vivaldi, mais surtout de chansons signées Jean-Pierre Ferland, Félix Leclerc, Claude Léveillée et Gilles Vigneault, dont André Gagnon avait adapté les airs. Le pianiste était alors accompagné d'un orchestre à cordes. En 1972, il poursuivait la démarche avec des airs de folklore popularisés par La Bolduc, accompagné cette fois par un orchestre baroque.

«Cette oeuvre-là ne mérite pas d'être oubliée», croit Daniel Constantineau, instigateur de l'enregistrement André Gagnon baroque, qui réunit toute cette musique conçue quatre décennies plus tôt.

Joué sans partitions

En 2012, Daniel Constantineau s'est intéressé à cette matière et a présenté un projet à la maison Félix-Leclerc de Vaudreuil-Dorion.

«J'avais contacté la secrétaire d'André Gagnon, Francine Furtado, afin d'avoir accès aux partitions. Après s'être informé de mes capacités de musicien, André Gagnon s'est montré d'accord à collaborer au projet. J'ai alors eu la surprise d'apprendre qu'il n'existait pas de partitions écrites du piano. André avait joué par coeur, il n'avait rien écrit, sauf la main droite pour Les Turluteries. J'ai donc dû retranscrire les parties de piano à partir des enregistrements.

«Ainsi, nous avons d'abord joué Été en 2012, pour instruments baroques et piano-forte. Je trouvais important d'interpréter cette musique avec des instruments d'époque; ils donnent un cachet que les instruments des enregistrements Columbia n'offrent pas. En 2014, j'ai proposé un concert tout Gagnon et complété toutes les partitions. Puis, j'ai proposé à tout hasard de réenregistrer ce matériel, car les enregistrements de l'époque ne correspondaient plus aux critères des diffuseurs.»

ATMA Classique est entré dans la danse. «Johanne Goyette [fondatrice d'ATMA] n'était pas convaincue de la pertinence du piano-forte dans ce projet. Elle préférait le clavecin, et j'ai accepté de faire un essai avec le clavecin. Dès la première répétition, nous avons réalisé que ça fonctionnait.»

Interprète explorateur

Le claveciniste pressenti était Jean-Willy Kunz, dont on connaît la fonction d'organiste en résidence de l'OSM. Aussi claveciniste de formation, il joue notamment au sein de l'ensemble Caprice.

«J'aime le mélange des styles, notamment les pastiches de musique baroque. Je suis toujours ouvert à l'exploration de nouvelles idées qui combinent mon bagage musical», explique l'interprète. «Dans cet enregistrement, j'ai trouvé plusieurs choses que j'aime, dont la musique baroque jouée au clavecin avec un orchestre baroque, mais aussi la musique populaire.»

Le musicien n'en est pas à son premier projet populaire: entre autres, il y a eu ce concept pour orgue et voix avec Pierre Lapointe.

«Lorsque Daniel Constantineau et ATMA m'ont proposé de jouer André Gagnon baroque, je me suis montré très ouvert à cette fusion de styles qui peut en rebuter plus d'un. Moi, j'adore ça. La stylisation d'André Gagnon est très réussie! Ses enregistrements ont eu du succès à l'époque; ils en ont encore aujourd'hui, comme nous avons pu le vérifier en concert. André Gagnon a vraiment réussi le pari de composer de la musique baroque avec des thèmes du XXe siècle. Je pense que c'est très rassembleur.»

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CLASSIQUE. Jean-Willy Kunz/Orchestre symphonique de la Vallée-du-Haut-Saint-Laurent/Daniel Constantineau. André Gagnon baroque. ATMA Classique.