Le chef d'orchestre israélo-argentin Daniel Barenboim espère donner un concert à Téhéran avec son orchestre berlinois, la Staatskapelle, a annoncé jeudi cette institution, une initiative qui a déclenché la polémique en Isräel.

«Daniel Barenboim s'entretient en ce moment avec l'Iran sur la possibilité d'un concert de la Staatskapelle de Berlin à Téhéran», a annoncé la maison-mère de l'orchestre, l'Opéra d'État de Berlin, dans un communiqué.

Selon l'Opéra, le ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier a accepté de parrainer ce concert, car «il soutient l'engagement de Daniel Barenboim pour rendre accessible la musique à tous, indépendamment des frontières nationales, religieuses ou ethniques».

L'Opéra a affirmé que des informations plus précises sur ce concert seraient communiquées «dès que les discussions auraient abouti».

Cette annonce a déclenché les protestations d'Israël. La ministre israélienne de la culture Miri Regev, qui appartient au Likoud, le parti de droite actuellement au pouvoir, a déclaré mercredi qu'elle allait écrire à la chancelière Angela Merkel pour qu'elle empêche le concert.

«Dans ma lettre», écrit-elle sur sa page Facebook, «je soulignerai le fait que la présence de Daniel Barenboim en Iran va à l'encontre des efforts d'Israël pour empêcher l'accord nucléaire» conclu le 14 juillet entre l'Iran et les grandes puissances.

Elle a accusé Barenboim d'utiliser la culture comme plate-forme pour ses «opinions politiques anti-Israël» et d'ainsi «encourager la délégitimation (de l'existence) d'Isräel».

«Je pense que l'Allemagne va faire ce qu'il faut pour annuler la venue de cet orchestre et de son chef» a-t-elle poursuivi dans son message.

Le centre Simon-Wiesenthal, une ONG dédiée à la préservation de la mémoire de l'Holocauste et à la lutte contre l'antisémitisme, s'en est aussi pris à ce projet de concert.

Dans une lettre adressée à Mme Merkel, le directeur des relations internationales du Centre, Shimon Samuels, s'est étonné qu'elle ait «prévu une visite en Iran en octobre» et du fait qu'elle serait «accompagnée par la Staatskapelle de Berlin, et son chef Daniel Barenboim.»

Shimon Samuels incite la chancelière à «reconsidérer sa mission à Téhéran» et annuler ce concert. «Sous couvert d'évènement musical», ce dernier est en effet, juge-t-il, une façon de légitimer artistiquement le «dessein génocidaire constamment exprimé par l'Iran d'éradiquer Israël par la force nucléaire.»

Daniel Barenboim, 72 ans aujourd'hui, a notamment fondé le West-Eastern Divan Orchestra (WEDO) en 1999, une formation qui rassemble des musiciens israéliens, égyptiens, iraniens, jordaniens, libanais et palestiniens.

Un projet qui trouve son prolongement avec l'ouverture prochaine à Berlin de l'Académie Barenboim-Saïd, actuellement en travaux, qui formera des musiciens du Proche-Orient.

Barenboim est une figure controversée en Israël, notamment car il milite pour y jouer Wagner, le compositeur favori d'Adolf Hitler.

En 2001, il avait ainsi créé la polémique en jouant à Tel-Aviv avec la Staatskapelle un extrait de Tristan et Iseult.

Le chef a également joué à Ramallah en 2005, et est citoyen d'honneur palestinien.