Dans la brise d'été, Andris Nelsons, le jeune chef de l'Orchestre symphonique de Boston, évoque l'ouverture des portes du Paradis alors que les voix d'un immense choeur font trembler le théâtre en plein air.

Andris Nelsons a choisi la Huitième symphonie de Mahler, l'une des plus grandes et exigeantes du répertoire classique, pour célébrer samedi le 75e anniversaire de Tanglewood, la retraite estivale du prestigieux orchestre située à Lenox, à 200 km de Boston dans l'État du Massachussets.

La controversée Symphonie des Mille - en l'occurrence des 330 musiciens - souligne la tension entre le religieux et le séculier, en débutant par un hymne chrétien avant de se fondre dans la tragédie de Faust.

Pour Andris Nelsons, une étoile montante de 36 ans dont le Boston Symphonic vient récemment de renouveler le contrat, de telles grandes idées sont primordiales en musique classique - et les orchestres peuvent les partager avec un public plus large.

La musique classique «n'est pas qu'un musée», revendique-t-il.

«Bien sûr que la tradition est importante en musique classique, mais au fond la musique est toujours composée pour être partagée et exprimer ce que l'on ressent face au monde qui nous entoure», confie Andris Nelsons, avec l'énergie et le ton courtois qui le caractérisent, lors d'un entretien avec l'AFP.

Sous la houlette du jeune chef letton, l'orchestre de Boston a rejoint quatre autres formations de premier plan pour lancer Classical Live de Google, un programme exclusif de diffusion en direct et de téléchargement de musique classique.

«Les jeunes sont plus attirés par les ordinateurs», dit-il. «Ce n'est pas un problème car cela ne rend pas la musique classique moins bien ou moins importante. Parce qu'au final selon lui, la musique apporte «une satisfaction émotionnelle. Elle amène à penser les choses plus profondément».

Une passion pour Chostakovitch

Malgré son soutien à la technologie moderne, Andris Nelsons a fait preuve, durant sa première année à la tête de l'orchestre, d'une préférence pour les grands compositeurs classiques, même s'il s'empresse de souligner qu'il est aussi intéressé par des oeuvres contemporaines.

Il a formé un partenariat avec Deutsche Grammophon pour enregistrer l'oeuvre du compositeur russe Dimitri Chostakovitch. Élevé dans les derniers jours de l'Union soviétique, le chef d'orchestre a ouvert la série en explorant la relation torturée entre Chostakovitch et Staline.

Il a choisi Lady Macbeth du district de Mtsensk, dénoncé à l'époque par l'organe du parti Pravda, et la Dixième symphonie, que le compositeur présenta pour la première fois peu après la mort du dictateur en 1953.

Chostakovitch sous l'ombre de Staline a été désigné album du mois par le magazine Gramophone, considéré comme le média de référence en musique classique.

Andris Nelsons admet avoir été frappé par la pertinence contemporaine de son oeuvre.

«Qui aurait pensé que nous écouterions la musique de Chostakovitch dans un contexte de dictature et de guerre, les circonstances dans lesquelles il a lui-même composé?», dit-il.

Une nouvelle tournée en Europe

L'Orchestre symphonique de Boston jouera la Dixième symphonie de Chostakovitch et la Sixième de Mahler - oeuvre plus pessimiste que la huitième - lors d'une tournée européenne de douze concerts qui débutera le 22 août au Royal Albert Hall de Londres.

Yo-Yo Ma, le plus célèbre des violoncellistes contemporains, rejoindra l'orchestre pour plusieurs concerts, dont celui qui se déroulera à la nouvelle Philharmonie de Paris le 3 septembre pour le Don Quichotte de Strauss.

Andris Nelsons a déclaré qu'il était vital pour l'orchestre de 134 ans de préserver sa réputation en effectuant des tournées. La formation n'était pas allée en Europe depuis 2007 à cause des problèmes de santé du prédécesseur d'Andris Nelsons, James Levine.

Le nouveau chef de l'orchestre de Boston a vu son contrat prolongé jusqu'en 2022, ce qui selon lui confirme sa «grande compatibilité musicale et humaine» avec les musiciens de la formation.