Ce sera un peu Noël en mai à l'Opéra de Montréal ce week-end, alors qu'on présente l'opéra Silent Night, une adaptation du film français Joyeux Noël. On y raconte l'histoire de la trêve de Noël de 1914, alors que les soldats de trois camps rivaux décidèrent d'un cessez-le-feu spontané. La Presse s'est entretenue avec Kevin Puts, jeune compositeur de cette oeuvre couronnée par le prestigieux prix Pulitzer en 2012.

Silent Night a été commandé à Kevin Puts par le Minnesota Opera. Le compositeur de 43 ans, qui s'était jusqu'alors limité aux oeuvres orchestrales, n'a pas hésité. Il a bien fait, puisque son oeuvre est un succès. Depuis sa création en 2011, Silent Night, bien reçu par la critique, s'est promené dans sept villes nord-américaines, ce qui relève pratiquement de l'exploit pour un opéra composé à notre époque.

L'oeuvre en trois langues (français, anglais, allemand) sera présentée dans sa production originale, avec les décors et costumes du Minnesota. Toutefois, la distribution est presque entièrement canadienne avec la soprano Marianne Fiset, le ténor Joseph Kaiser et le baryton Phillip Addis dans les rôles principaux. L'Orchestre Métropolitain sera dirigé par le chef américain Michael Christie.

Son propre style

Comment le compositeur décrit-il sa musique?

«Pour Silent Night, j'ai puisé à même une large variété de styles musicaux, dit-il. Par exemple, l'histoire commence dans une maison d'opéra allemande, et l'air chanté par les personnages sonne comme la musique de l'époque de Mozart, que j'ai essayé de représenter le plus authentiquement possible. À partir de là, le style évolue librement, selon qui chante. Il y a trois armées: les Allemands, les Écossais et les Français. Chacune de ces armées a son propre vocabulaire et son propre style.»

Pour établir un lien entre ces styles variés, il utilise un thème récurrent qui émerge des cordes à la fin de cet air aux accents mozartiens du début.

Kevin Puts a mis deux ans à composer son opéra.

«La partie orchestrale est très importante, ajoute-t-il. Je crois que la clarté des émotions suscitées par l'histoire est en grande partie transmise par l'orchestre. Il y a plusieurs interludes orchestraux et ce sont des moments importants dans l'histoire.»

Le livret signé par l'Américain Mark Campbell s'est avéré très inspirant pour lui.

«Le moment où les soldats prennent l'étrange décision d'arrêter de se battre a été brillamment écrit par Mark Campbell, dit Kevin Puts. Ç'a été un grand défi de composer la musique de cette scène. D'un côté, les Français commencent à chanter, suivis des Écossais qui entonnent une ballade et sont interrompus par les Allemands qui ajoutent leur propre musique, jusqu'à ce moment où ils décident tous qu'ils sont trop épuisés pour continuer à se battre cette nuit-là.»

Communiquer avec la musique

Pour Kevin Puts, la composition d'un opéra aspirant à une certaine longévité à notre époque ne repose pas sur une recette ou sur la tentation de séduire le public à tout prix.

«Vous devez écrire la musique qui vous intéresse en tant que compositeur, pas ce que vous pensez que le public aimera, dit-il. J'admire une foule de musiques différentes, dont certaines sont très exigeantes. Elles ont une profondeur intellectuelle et demandent une éducation musicale pour qu'on puisse les apprécier vraiment. Mais la musique la plus proche de mon coeur est celle que l'on pourrait décrire, tout simplement, comme magnifique, je pense par exemple à Mozart ou à Samuel Barber. Il est donc naturel, pour moi, d'essayer de refléter ce que j'aime dans mes oeuvres. D'autres compositeurs attachent plus d'importance à l'originalité. Ils veulent faire quelque chose de nouveau, et c'est plus important pour eux que de communiquer clairement avec le public. Pour moi, cette communication est primordiale. Et pour y arriver, je dois utiliser le langage musical que je considère comme le plus puissant. Souvent, ma musique est donc davantage appréciée du public que des critiques spécialisés.»

Kevin Puts, qui n'est jamais venu à Montréal, sera présent à la première samedi.

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Silent Night, les 16, 19, 21 et 23 mai, 19 h 30, salle Wilfrid-Pelletier