Une chose est sûre: le chef invité à l'OSM cette semaine ne représente aucune menace pour la suprématie de Kent Nagano sur ce territoire.

Grand, blond et mince, l'homme vient de Karlsruhe, ville d'Allemagne de 300 000 habitants. Son nom: Christoph Gedschold. La saison prochaine, il dirigera à l'Opéra de Hambourg, maison dont Kent Nagano est le nouveau Generalmusikdirektor.

En attendant, Nagano l'invite ici pour la onzième Symphonie de Chostakovitch. Donnée à l'OSM deux fois seulement (avec Dutoit en 1993 et avec Yakov Kreizberg en 2002), la colossale partition aux quatre mouvements enchaînés totalise avec lui 63 minutes. Le programme indique «approx. 55 min.» et les chefs y prennent habituellement une heure.

Le compositeur soviétique y évoque le premier soulèvement du peuple russe contre le régime tsariste, un froid matin de l'hiver 1905, d'où le sous-titre qu'il donna à sa symphonie. L'échec de cette première tentative force un rapprochement plutôt ironique avec les débuts de M. Gedschold à l'OSM.

La partition grande ouverte devant lui, l'invité part du mauvais pied: il n'établit aucune atmosphère dans le sourd suspense du premier mouvement. On attend. Rien. Ce qui suit fait énormément de bruit, mais il n'y a que cela, du bruit, et aucune expression véritable, sauf vers la fin, où pointe un début d'interprétation. Il faut retourner aux grands enregistrements des chefs soviétiques, les Mravinsky et Kondrachine, pour saisir dans toute sa vérité le terrifiant message livré par Chostakovitch.

La virtuosité de l'OSM reste prodigieuse, mais cela ne suffit pas. Seules se détachent de la mêlée les interventions personnalisées de Andrei Malashenko aux timbales, de Stéphane Lévesque au basson, de Pierre-Vincent Plante au cor-anglais.

La pièce d'entrée, signée Zosha Di Castri, obscure compositrice de Calgary, dure, tel qu'indiqué, 11 minutes. C'est beaucoup trop. Il y a là une multitude de petites idées non développées et, surtout, beaucoup d'inutiles efforts pour paraître original.

En fin de compte, le meilleur moment du concert est l'exécution du Concerto en sol de Ravel par Alain Lefèvre, futur résident de la Grèce. Lefèvre a joué maintes fois ce concerto et il le maîtrise mieux que jamais, non seulement sur le plan technique, où il n'a aucun problème, mais encore quant à l'atmosphère «Années folles» des deux mouvements rapides, qu'il traduit avec la plus totale fantaisie.

De l'Adagio médian, qui s'ouvre sur un long solo de piano, Lefèvre fait une sorte d'envoûtante rêverie contrastant totalement avec ce qui précède et ce qui suit. Dans les échanges en mesure ternaire et en mesure binaire avec quelques bois, on assiste à une sorte de sauve-qui-peut. Le chef, manifestement venu faire son Chostakovitch et rien d'autre, reste immobile devant son lutrin pendant que Lefèvre et les premiers-pupitres s'envoient des signaux.

L'effet est particulièrement cocasse dans le très long dialogue avec le cor-anglais. On comprend pourquoi Lefèvre, au milieu de l'ovation monstre, va dans l'orchestre remettre à Plante les fleurs qu'il vient de recevoir.

 

 

ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL

Chef invité: Christoph Gedschold.

Soliste: Alain Lefèvre, pianiste.

Mercredi soir, Maison symphonique, Place des Arts. Reprise jeudi, 10h30 et 20h.

Programme:

Lineage (2013) - Di Castri

Concerto pour piano et orchestre en sol majeur (1932) - Ravel

Symphonie no 11, en sol mineur, op. 103 (1905 Ghod - L'Année 1905) (1957) - Chostakovitch