Lang Lang couronnait son marathon montréalais de trois jours par un récital qui, cette fois encore, lui avait valu une salle comble à la Maison symphonique. On y a même aperçu quelques ministres de Québec...

Le jeune et flamboyant pianiste chinois de 32 ans commence par le Concerto italien que Bach a conçu pour un clavecin à deux claviers offrant la possibilité de suggérer, sur un seul instrument, le dialogue entre un soliste et l'orchestre. Conséquemment, Bach indique ici, chose rarissime chez lui, des nuances «piano» et «forte».

Lang Lang traduit cette musique en langage pianistique, avec une main gauche aussi agissante que la droite (comme dans son Mozart avec l'OSM), ce qui confère à son discours une parfaite clarté. On regrette qu'il ne souligne pas les contrastes de dynamique comme d'autres pianistes savent le faire et qu'il ne se délecte pas des ornements clavecinistiques comme l'y invite le texte. Bref, voici un Bach très correct, mais un peu plat.

Le programme imprimé n'indique pas que le Concerto italien comporte trois mouvements et, comme il fallait s'y attendre, l'auditoire applaudit après le premier morceau.

Une déception beaucoup plus grande nous attendait : Les Saisons de Tchaïkovsky. Le pianiste nous impose l'intégrale (!) des 12 petits morceaux, soit un pour chaque mois de l'année, pour un grand total de 43 minutes. Il y a bien là deux ou trois jolies pièces, comme la Barcarolle de juin et la Troïka de novembre, mais l'ensemble est insignifiant et souvent proche de la musique de salon. Personne ne joue ces Saisons et on comprend pourquoi. D'accord, Lang Lang y met toute son âme et y apporte une extraordinaire beauté de son, mais ce choix laisse songeur quant à sa réelle envergure de musicien.

Idée plus originale : les quatre Scherzos de Chopin au même récital. Ashkenazy est l'un des rares à avoir tenté l'expérience. Lang Lang y déploie une virtuosité absolument foudroyante. Mais il se limite à la seule virtuosité, son approche est même un peu «garrochée», et jamais il n'interroge le contenu sardonique, ironique, terrifiant et même malsain de ces pièces. Étrangement, il s'attarde, dans chaque Scherzo, au plus calme trio central, où, sans jamais tomber dans la sentimentalité, il crée une envoûtante atmosphère rappelant les Nocturnes du même Chopin.

Passons vite sur le «spectacle». Les deux bras levés, tel un champion olympique, une vedette rock ou un vainqueur d'élections, Lang Lang salue encore et encore la foule massée devant lui et derrière lui, se penche pour serrer la main des spectateurs de la première rangée, offre son mouchoir à l'un d'eux, etc. Il accorde aussi deux rappels : Intermezzo de Manuel Ponce et, en cabotinant un peu, le Rondo alla turca de la Sonate K. 311 de Mozart.

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LANG LANG, pianiste. Vendredi soir, Maison symphonique, Place des Arts. Présentation : OSM et Pro Musica.

Programme :

Concerto italien en fa majeur, BWV 971 (c.1735) - Bach

Les Saisons, op. 37b (1876) - Tchaïkovsky

Scherzos opp. 20, 31, 39 et 54 (1831-1842) - Chopin