Assurément, le premier voyage de l'OSM avec Philip Glass a ravi l'auditoire montréalais qui a rempli la Maison symphonique, samedi soir. Peut-être n'a-t-on pas eu droit à la quintessence de son oeuvre, mais cette rencontre entre le compositeur, l'orchestre et le public était nécessaire à notre vie musicale.

Composé en 2000, son Concerto Fantasy pour deux timbaliers et orchestre est une oeuvre axée sur le déploiement d'un arsenal d'instruments de percussion, dont deux timbaliers sont les solistes. Ce qui n'est pas particulièrement habituel dans l'esthétique glassienne: elle se situe plutôt dans la répétition et la surimpression de motifs harmoniques et de lignes mélodiques.

On observe néanmoins dans cette oeuvre un concept rythmique intéressant, quoique simple, presque familier à l'oreille. La superposition des cordes et des instruments à vent nous ramène aux formes proverbiales de Glass, mais le compositeur réussit à les intégrer à un langage symphonique accessible et à en faire parfois oublier les traits évidents. Échelonnée sur trois mouvements de différente intensité, l'oeuvre exige un dosage qui n'est pas évident à réaliser. Ainsi, les cordes ne se distinguaient pas toujours clairement des élans percussifs, alors que les cuivres et les bois y parvenaient plus aisément. Quoi qu'il en soit, la dynamique et le crescendo dramatique des timbales ont soulevé le public à la conclusion de l'oeuvre.

La pièce Mad Rush, pour piano solo, est quant à elle beaucoup plus typique de Philip Glass. Composée en 1979, elle avait été jouée à New York lors d'un discours du dalaï-lama en 1981. Hier soir, elle était interprétée par le compositeur en personne, devant un public ébloui par sa présence. Par son jeu? Peu probable. Glass n'est pas un pianiste hors pair, son jeu étant au service de son oeuvre. On a pu alors se l'imaginer dans les années 70, alors qu'il se produisait régulièrement seul et mettait de l'avant au clavier les fondements de son approche compositionnelle.

L'inversion de ces pièces au programme (pour des motifs logistiques) était somme toute une bonne chose: que demander de mieux que le compositeur de la soirée pour le dessert? Fait à noter, le maestro Nagano était assis sur le côté de la scène pendant l'exécution de Mad Rush, prêtant une attention soutenue au jeu de son invité et, on l'imagine, à la réaction du public en prévision de la suite des choses avec Philip Glass. Car il pourrait bien y avoir une suite des choses.

Entre le premier et le dernier service, d'autres compositeurs ont été mis en relief. D'abord le très inspiré Kiya Tabassian, Montréalais d'origine perse à qui l'OSM a commandé Vers où l'oiseau migrera, une oeuvre à la fois orientale et symphonique au sein de laquelle se distinguent la soprano Françoise Atlan et Didem Basar, virtuose du kanoun (instrument à cordes de l'Orient). Après l'exécution d'un extrait de cette oeuvre fort intéressante, on a eu droit à la voix remarquable de la soprano Monika Jalili, dont les subtiles inflexions persanes convenaient parfaitement à l'arrangement symphonique de Jaan E Mariam (Kambiz Mozhdedi), signé Jamshield Sharifi.

Avec La Péri, poème dansé de Paul Dukas, le titre du programme de la soirée - L'OSM éclaté - Un voyage avec Philip Glass - prenait tout son sens: ce voyage n'a pas manqué de relief.

ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef d'orchestre : Kent Nagano.

Solistes : Philip Glass, pianiste, Françoise Atlan, soprano, Monika Jalili, soprano, Didem Basar, kanun, Andrei Malashenko, timbales, Hugues Tremblay, timbales.

Samedi soir, Maison symphonique de Montréal, 21h, festival Montréal/Nouvelles Musiques (MNM)

Programme : OSM ÉCLATÉ - Un voyage avec Philip Glass

Concerto Fantasy pour deux timbaliers et orchestre (2000)- Philip Glass

Vers où l'oiseau migrera ?(2014) (commande de l'OSM, première mondiale) - Kiya Tabassian

Jaan e Maryam (Ma bien-aimée Maryam) - Kambiz Mozhdehi (arrangement de Jamshied Sharifi)

La Péri, poème dansé (1911) - Paul Dukas

Mad Rush, pour piano solo (1979) - Philip Glass