Jean-Efflam Bavouzet, qui est à Montréal pour deux récitals à la salle Bourgie (dont un donné hier), aime réfléchir à la musique et à ceux qui la font. Pour notre plus grand bonheur, il aime aussi le faire à voix haute. Dans un entretien avec La Presse, il a parlé des rencontres qui l'ont marqué.

Après un récital de musique de chambre donné hier soir, le pianiste consacrera son récital de ce soir aux compositeurs français Abel Decaux, Gabriel Pierné, Debussy, Ravel et Bruno Mantovani, un programme qu'il a joué au Louvre le mois dernier.

«Ce programme a la particularité de faire découvrir au moins deux oeuvres que les gens n'ont jamais entendues. D'abord, Le livre de JEB, de Bruno Mantovani. La deuxième est une transcription de Jeux, de Debussy, que j'ai faite d'abord pour deux pianos, et que j'ai ramenée pour piano seul. Cette version apporte un éclairage intéressant qui permet de faire un rapprochement avec les oeuvres pour piano que Debussy a écrites à la même époque.»

Le Livre de JEB a été composé pour lui: «JEB», ce sont ses initiales. Le pianiste a d'abord découvert ce compositeur qu'il affectionne à travers Blue Girl With Red Wagon, une oeuvre qui l'a impressionné. Par la suite, ils sont devenus amis.

«Ce qui est merveilleux dans la musique de Bruno, c'est que l'inspiration initiale est toujours évidente, dit-il. Il n'y a pas de point où l'on se demande où cela s'en va. On comprend très bien ce qui se passe. Selon lui, Le livre de JEB est un portrait musical de moi. Je ne suis pas certain d'être aussi volubile et extraverti que sa musique, mais on ne sait jamais quelle impression on donne aux gens. Comme l'a dit Jung, on est fait des mots des autres.»

Et quand on est pianiste, on est aussi fait de la musique des autres, et des grandes rencontres avec eux.

«Ce qui est le plus formateur pour un musicien, c'est d'avoir un contact direct avec ses pairs, de jouer et de parler des oeuvres avec eux. Je me souviens, par exemple, d'avoir joué avec Janos Starker, à Banff, ou d'avoir passé des après-midi avec Boulez ou avec Solti. Mes expériences à deux pianos avec Zoltan Kocsis ont constitué pour moi un point de non-retour. Le fait de voir comment fonctionne un musicien de cette envergure, sa concentration, son intensité, cela vous fait comprendre des choses que vous n'auriez pas comprises naturellement.»

Pour décrire ces échanges, il aime utiliser une métaphore: «C'est comme se promener dans un paysage. Il y a des gens qui sont dans la vallée, d'autres qui sont arrivés à mi-chemin de la montagne et d'autres qui sont rendus au sommet. Ces derniers peuvent voir des paysages que les autres ne voient pas encore. Au fil de la promenade, on rencontre ceux qui sont arrivés plus haut et ils nous font découvrir de nouveaux horizons.»

À la salle Bourgie du Musée des beaux-arts de Montréal ce soir à 19h30 (musique française pour piano).