L'OSM revient au Messie après l'avoir rayé de sa programmation six fois en 10 ans. La présentation de cette année, la 47e depuis la toute première, en 1958, a été confiée à Andrew Megill, titulaire du Choeur de l'OSM depuis trois ans. Cette fois, le musicien américain dirige l'exécution complète, comme l'avait fait avant lui le chef de choeur Iwan Edwards pour plusieurs auditions de l'oratorio de Handel.

Selon les informations obtenues de l'OSM, l'édition utilisée était celle du musicologue britannique Clifford Bartlett, parue en 1998. Car pour Messiah - titre original de l'oeuvre -, comme pour toute symphonie de Bruckner, il faut indiquer l'édition, car il en existe plusieurs. Dans le programme imprimé, pas le moindre mot sur le sujet. Renseignements pris, M. Megill aurait réalisé un composite des éditions de Clifford Bartlett et de Watkins Shaw (celle que l'OSM utilisait habituellement) en y incorporant des adaptations de sa main.

Nous n'ouvrirons pas d'enquête royale là-dessus, surtout que le nombre de personnes que la chose intéresse est certainement très mince. Il faut quand même préciser que la présente instrumentation est sensiblement la même que chez Watkins Shaw (cordes, deux hautbois, deux trompettes, timbales et basse continue) et ajouter, comme l'avait indiqué l'OSM, que 12 des 53 numéros de la partition sont omis.

En concert (et non au disque), on fait habituellement des coupures dans la partition, et sans réel détriment car certaines pages sont inférieures au reste. Dans le cas présent, on regrette quand même l'omission de la touchante Pastoral Symphony et du terrifiant et très attendu Why do the nations? confié à la voix masculine grave (basse ou baryton).

Si M. Megill ne mérite pas de prix pour l'édition tripatouillée qu'il nous propose, en revanche il faut reconnaître le progrès marqué que le Choeur de l'OSM a fait depuis qu'il est là, et dont cette audition est la brillante illustration. La justesse des 35 voix réunies, et jusque chez les sopranos très sollicitées à l'aigu, la clarté de la polyphonie, le relief des plans sonores et, bien sûr, l'intelligence du texte: autant d'éléments qui font du Choeur de l'OSM le véritable héros de cette audition.

D'un OSM réduit à 37 musiciens pour la circonstance se détachent des cordes au jeu fin et délié et un solo de trompette irréprochable... jusqu'à ce qu'il y manque une note! M. Megill favorise les tempi vifs et maintient entre choeur et orchestre une coordination qui, convenable hier soir, devrait être parfaite ce soir.

Comme c'est souvent le cas à l'oratorio, le quatuor de solistes est bien inégal. Le plus intéressant est Pascal Charbonneau. De petite taille, avec une voix peu timbrée et un aigu légèrement écrasé, le garçon n'a rien du séduisant ténor d'opéra. Par contre, une belle carrière d'oratorio s'ouvre à cette voix plutôt droite et presque sans vibrato qui résonne avec force, marque les points forts du texte, exécute des mélismes précis et ornemente d'une façon souvent étonnante.

Les autres solistes ornementent aussi, avec des résultats variables. Peu à dire sur les deux femmes. On peut ignorer Anita Krause puisqu'on ne l'entend à peu près pas. Chez Leslie Ann Bradley: une voix généralement bonne, un peu de difficulté dans les mélismes, un ou deux moments d'émotion. La voix jeune de Philippe Sly est encore celle d'un baryton doté d'une couleur de basse. Sa prestation est handicapée par l'omission de l'un de ses meilleurs airs. De ce qui reste, l'«idole de ces dames» offre un numéro très personnel où tout est dramatisé, comme improvisé. Le talent est toujours là, immense. La tentation du cabotinage aussi.

La salle n'est pas remplie et la soirée, entracte compris, fait deux heures et 20 minutes. Selon la tradition, un certain nombre d'auditeurs se lèvent pour le fameux choeur Hallelujah! qui clôt la deuxième des trois parties.

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«MESSIAH», oratorio en trois parties, texte anglais de Charles Jennens d'après la Bible, musique de George Frideric Handel, HWV 56 (1742). Édition anonyme.

Orchestre Symphonique de Montréal, Choeur de l'OSM, Leslie Ann Bradley, soprano, Anita Krause, mezzo-soprano, Pascal Charbonneau, ténor, et Philippe Sly, baryton. Dir. Andrew Megill. Hier soir, Maison symphonique, Place des Arts; reprise ce soir, 20 h.