C'est fait: l'Orchestre symphonique de Montréal a lancé son intégrale des symphonies de Beethoven, enregistrées sur plusieurs années sous la direction de Kent Nagano par la maison de disque québécoise Analekta. La Presse a rencontré le chef d'orchestre pour faire le point sur ce jalon important dans la vie de l'orchestre.

Que représente pour vous le fait d'avoir terminé cette intégrale avec l'OSM?

On ne termine jamais l'intégrale de Beethoven. Ce que l'on peut terminer, c'est la première version. Ces symphonies demeurent un pilier de notre répertoire symphonique. Ce n'était évidemment pas la première fois que l'OSM les jouait, mais c'était la première fois que nous concentrions autant d'efforts sur elles et faisions autant de recherches. Nous avons basé notre interprétation sur les éditions et les découvertes musicologiques les plus récentes. Ce coffret représente une sorte d'héritage. Mais ce n'est pas la fin de quelque chose. C'est plutôt le début.

Pour vous, que représente ce corpus dans l'histoire de la musique?

Une symphonie est plus qu'une forme. C'est une idée. À partir de la Révolution française, la musique, comme tout le reste, a commencé à être redéfinie. Les idées de liberté, d'égalité et de fraternité ont résonné à travers toute l'Europe, et cela a changé la musique. Avant cela, les oeuvres musicales étaient souvent commandées par des institutions fermées: l'aristocratie, la cour, l'Église. Avec cette époque est venue l'idée que la symphonie représentait le peuple, et cette idée se poursuit jusqu'à aujourd'hui.

Comment décririez-vous cette version des symphonies que vous nous livrez avec l'OSM?

Comme je l'ai dit, nous nous sommes basés sur les recherches musicologiques, mais nous nous sommes aussi posé la question: quel est le son du Québec? Au coeur de ce son, il y a une certaine esthétique, une certaine culture. Je crois que ce que l'on entend à travers ce son, c'est la nature du Québec, son énergie, et un lien naturel avec les esthétiques européennes qui le distingue très clairement du son des autres orchestres d'Amérique du Nord. On y sent aussi un côté innovateur, une spontanéité québécoise, par la souplesse de notre jeu et son imagination.

Le fait que les disques aient été enregistrés dans différentes salles est-il audible?

Oui. Je l'entends. Il y a même une différence entre les symphonies enregistrées à la Maison symphonique, parce que nous avons travaillé pendant deux ans pour ajuster l'acoustique de la salle après son ouverture. La première symphonie enregistrée dans cette salle était la Symphonie no 9. On entend une différence entre la Symphonie no 9 et entre la no 2 et la no 4, enregistrées en dernier, mais il y a encore plus de différence avec la no 5, enregistrée à Wilfrid-Pelletier. Ça témoigne de l'histoire et de l'évolution de l'OSM, mais aussi de Montréal.

Vous venez de publier un livre en Allemagne, dont le titre est Erwarten Sie Wunder (Attendez-vous à l'inattendu). Pouvez-vous nous en parler?

Ça parle de la musique classique sous l'angle de l'éducation. Quelle est la pertinence de la musique dans l'éducation? Combien une société doit-elle investir en ce sens pour la prochaine génération? C'est un thème universel et très actuel, ici, au Québec. Cette mission éducative a toujours été à la base du mandat de l'OSM. C'était d'ailleurs la volonté de Wilfrid Pelletier, un visionnaire. Pour lui, l'éducation n'était pas quelque chose qui s'arrête avec la fin des études, et c'est un point de vue que je partage. Elle doit continuer toute la vie.

CLASSIQUE

Orchestre symphonique de Montréal

Beethoven 9 Symphonies: O Mensch, gib acht! Entre les Lumières et la Révolution

Analekta

«Ce coffret représente une sorte d'héritage. Mais ce n'est pas la fin de quelque chose. C'est plutôt le début»