L'Opéra de Rome, miné par les problèmes financiers et déserté par son maestro Riccardo Muti, a trouvé mardi un accord in extremis pour ne pas licencier ses artistes et tenter de se relancer, à l'image d'autres scènes au pays du belcanto.

L'opéra italien est en crise: les 14 théâtres du pays rassemblent de moins en moins de spectateurs (-7% entre 2008 et 2013), alors même qu'ils proposent une centaine de représentations de plus par an.Si des maisons prestigieuses comme la Scala de Milan ou la Fenice de Venise ont réussi à inverser la tendance ces dernières années, d'autres opéras s'enfoncent.

Celui de Rome a perdu presque la moitié de ses spectateurs (110 000 en 2008, 58 000 en 2013), même si l'arrivée en 2011 de Riccardo Muti, nommé «chef honoraire à vie», lui a redonné du lustre et de sérieuses ambitions internationales.

Mais dans le même temps, l'opéra, dont le budget dépend selon la presse pour moitié des fonds publics, accusait 10 millions d'euros de déficit et 40 millions d'euros de dette.

Pour assainir les comptes, le nouveau surintendant, Carlos Fuortes, a tenté d'obtenir 20 millions d'euros d'un fonds de secours de 125 millions d'euros créé en 2013 pour soutenir les opéras en difficulté, à condition qu'ils se restructurent.

Début novembre, l'Opéra de Palerme a ainsi obtenu 8 millions d'euros après avoir conclu un accord avec ses syndicats sur un plan triennal d'économies de plus d'un million d'euros.

Ce plan prévoit une baisse générale des salaires, 24 départs volontaires et un programme de location des locaux pour des événements privés, ainsi qu'une renégociation de la dette auprès des banques.

L'Italie n'a plus les moyens

À Rome, les discussions ont été plus tendues. Après un été de grèves et d'occupations de locaux, un premier plan de sauvetage, conclu en juillet, a été approuvé en septembre lors d'un referendum par les quelque 460 salariés (techniques et artistiques).

Mais deux syndicats minoritaires ont continué à brandir la menace de nouvelles grèves. Muti a alors démissionné en expliquant qu'il ne disposait plus de la «sérénité» nécessaire pour travailler.

Face à ce coup dur qui a accentué l'érosion des abonnements et la fuite des sponsors, la direction a annoncé début octobre le licenciement des 182 artistes du choeur et de l'orchestre, invités à se constituer en une entité associative susceptible de travailler avec l'Opéra.

La mesure a provoqué un tollé avec pétitions et manifestations. «C'est un signal fort envoyé aux opéras du monde», expliquait un musicien. «Faire tomber l'orchestre de Rome, ça veut dire que tous les autres peuvent tomber».

Mais le ministre de la Culture, Dario Franceschini, a jeté un froid en estimant que l'Italie n'avait plus les moyens de soutenir 14 opéras, qui engloutissent à eux seuls «77% des fonds de l'État pour la musique».

Le surintendant de la Scala, Alexander Pereira, est alors monté au créneau: «Il est très important que l'État prenne ses responsabilités et que les grandes entreprises s'y mettent pour soutenir la deuxième marque italienne la plus connue au monde après Ferrari».

Finalement, un accord a été signé à Rome dans la nuit de lundi à mardi avec tous les syndicats, pour économiser 3 millions d'euros par an grâce à une forte réduction des primes et une augmentation des heures de travail.

Parallèlement, il y aura 30% de représentations en plus cette saison et les syndicats se sont engagés à ne mener aucune grève sur les termes de l'accord.

«C'est un succès pour toute la ville. L'opéra peut retourner au travail avec sérieux et sérénité», a réagi le maire de Rome, Ignazio Marino, en exprimant l'espoir de voir un jour revenir le maestro Muti.

En attendant, l'ouverture de la saison le 27 novembre a pris un coup de froid: l'exubérant Aïda de Verdi que devait diriger Muti a été remplacé par la Rusalka de Dvorak, sous la baguette du Norvégien Eivind Gullberg Jensen.