Christian Tetzlaff a beau jouir d'une carrière internationale très enviable, il n'a rien à cirer du vedettariat musical. Et tandis que d'autres s'arrachent les Stradivarius, le discret violoniste allemand joue sur un instrument moderne, et considère qu'une heure de répétition par jour, à son niveau, c'est bien suffisant! Ce musicien à contre-courant sera l'invité de l'OSM pour deux concerts cette semaine.

La Presse l'a joint par téléphone alors qu'il était à Vienne, à quelques heures de jouer le Concerto pour violon de Beethoven. Avec l'OSM, il interprétera une oeuvre jouée beaucoup moins souvent: le Concerto pour violon no 1 de Szymanowski.

«Parmi les concertos pour violon, c'est un joyau, une pièce unique basée sur un poème où l'on retrouve des animaux, la lune et la nuit, dit-il. On peut sentir que sa structure n'est pas seulement musicale, mais qu'elle s'inspire aussi d'images. C'est aussi, je dirais, le concerto pour violon le plus érotique du répertoire, avec des côtés étranges et drôles.»

Il jouera sur l'instrument qui lui est cher, un violon moderne fabriqué par le réputé luthier allemand Stefan-Peter Greiner.

«À mon avis, personne ne peut dire, au son, si un violon est neuf ou ancien, dit Christian Tetzlaff. Du moment que l'on vous dit qu'un violon est un Stradivarius, vous avez l'illusion qu'il sonne mieux. Mais tous les tests à l'aveugle démontrent que personne n'en a la moindre idée. J'ai juste besoin d'un instrument qui sonne le mieux possible et celui que j'ai me convient parfaitement. C'est un violon fantastique.»

Laisser le temps aux jeunes

S'il a commencé le violon à 6 ans, Tetzlaff n'a pas eu le parcours d'un enfant prodige. Bien qu'ayant été soliste avec des orchestres de jeunes dès l'âge de 12 ans, il avait 21 ans lorsqu'il a fait ses débuts avec un grand orchestre.

«La première fois que j'ai répété aussi longtemps que trois heures par jour, j'avais 15 ans. À cet âge-là, bien des violonistes sérieux répètent déjà six heures par jour depuis longtemps. Je ne crois tout simplement pas que ce soit une façon de vivre une vie remplie à tous égards, de façon à nourrir sa musicalité. Je ne l'ai jamais regretté.»

Pour lui, le phénomène des jeunes prodiges de la musique n'est pas nécessairement une bonne chose.

«Je ne vois pas pourquoi quelqu'un serait déjà un violoniste accompli à 14 ans. Pourquoi ne pas laisser aux jeunes le temps de se développer et de voir s'ils aiment vraiment cela? Des milliers d'étudiants ont répété toute leur enfance pour se rendre compte qu'ils n'aimaient pas vraiment la musique et que cela ne les menait à rien. L'apprentissage d'un instrument ne devrait jamais être imposé aux enfants par les parents et les professeurs. Je trouve cela dangereux pour la santé émotionnelle.»

Et bien qu'il adore jouer du violon, il ne répète plus aujourd'hui qu'une heure par jour.

«Je crois que bien des violonistes continuent de répéter plusieurs heures par jour toute leur vie parce qu'ils croient que c'est nécessaire, mais je ne crois pas que ce le soit. Si vous l'avez fait pendant un certain nombre d'années, à ce niveau, votre cerveau sait quoi faire.»

Au service de la musique

Bien que les violonistes-vedettes subjuguent les foules depuis Paganini, Christian Tetzlaff n'aime pas ce phénomène. Pour lui, un interprète doit avant tout se mettre au service de la musique et non devenir un héros sur scène.

«Le vedettariat est totalement contradictoire avec l'essence même de la musique classique, dit-il. Cela ruine tout. Ce qui doit être émouvant, c'est ce que le compositeur veut nous dire. Pas la personnalité du soliste. Mais le marketing musical est bâti autour du soliste et du culte de la personnalité, comme en musique populaire. Pourtant, les seules choses qui devraient compter pour toucher le coeur, ce sont les oeuvres, et non les interprètes.»

Il n'est pas non plus un adepte du mélange des genres et ne prise pas les initiatives qui rapprochent classique et populaire. Pour lui, la musique classique garde une dimension spirituelle qui la rend unique.

«En tant que soliste, j'ai un but très simple. La plupart des pièces que je joue parlent de l'âme humaine, de ses peines et de ses joies. La musique populaire touche beaucoup de gens et leur fait vivre de belles émotions. Mais je suis heureux que le concert classique soit l'un des derniers endroits où l'on s'assoit encore ensemble pour élever notre âme. C'est quelque chose d'important. Ce sont pour moi des moments spirituels, que j'écoute ou que je joue. Une émotion unit toutes les personnes présentes et je suis content de pouvoir en faire partie.»

_____________________________________________________________________________

Christian Tetzlaff avec l'OSM, les 4 et 6 novembre, 20h, à la Maison symphonique.