Il fallait s'y attendre! Magda Olivero est morte lundi, à 104 ans, dans un hôpital de Milan, victime d'un ACV. La cantatrice était la doyenne du monde de l'opéra... ou presque. On avait toujours cru que Licia Albanese, décédée le 15 août, avait 101 ans, mais elle en avait en réalité 105. Ce qui faisait donc d'elle la véritable doyenne.

Née Maria Maddalena (Magda) Olivero en 1910, fille de magistrat et mariée à un industriel de Turin, la disparue venait d'un milieu bourgeois, chose peu courante chez les chanteurs d'opéra. Spécialiste du vérisme italien, elle fut particulièrement identifiée au rôle-titre d'Adriana Lecouvreur, le chef-d'oeuvre de Francesco Cilèa ayant pour personnage central la grande tragédienne française du 18e siècle.

Olivero débuta en 1933, à 23 ans, mais, pour des raisons familiales, décida en 1941, à 31 ans, de quitter la scène, après moins de 10 ans de carrière. Et elle choisit le rôle d'Adriana pour ce qu'elle croyait être ses adieux.

En 1950, le compositeur, alors âgé de 84 ans et sentant sa mort prochaine, la supplia de revenir sur sa décision, lui donnant ainsi une dernière fois le bonheur de la voir incarner son Adriana. Cilèa demanda même à son éditeur d'intercéder auprès d'elle. Olivero accepta donc et travailla le rôle avec le compositeur. Elle reprit Adriana le 6 février 1951, à Brescia. Mais le compositeur ne put la voir car il était mort deux mois plus tôt.

Pour Olivero, ce fut là le début d'une seconde carrière, qui dura plus de 30 ans. Au total, elle aura chanté avec plusieurs générations de ténors, de Pertile à Pavarotti. Elle fit des débuts tardifs au Metropolitan: en 1975, dans Tosca. Une Tosca de 65 ans, mais convaincante, rapporte-t-on. Elle chanta peu en Amérique et jamais à Montréal. Elle avait cependant ici même un admirateur inconditionnel, le designer Denis Robert. Elle lui confia un grand nombre d'enregistrements de ses concerts et spectacles et M. Robert en tira une série de compacts.

Magda Olivero a peu enregistré en studio. En revanche, on possède de nombreux live de ses représentations, dont au moins trois d'Adriana Lecouvreur: 1959, 1965 et 1973. Elle en a même enregistré des extraits, avec piano, en 1993... à 83 ans!

À Montréal... ou presque

Lorsque l'Opéra de Montréal monta Adriana Lecouvreur, en 1990, M. Robert suggéra à la direction d'inviter Olivero pour doter l'événement d'un prestige additionnel. Le directeur général de l'OdM, Bernard Uzan, signait la mise en scène et sa femme Diana Soviero chantait le rôle. Mais une telle présence risquait de gêner. Des bruits coururent sur la «santé» et même la «lucidité» d'Olivero, alors que M. Robert, rentrant d'Italie où il avait passé plusieurs jours avec la chanteuse, apportait un tout autre son de cloche. «Oui, elle a 80 ans et elle se porte à merveille! Elle m'a dit que personne de l'Opéra de Montréal ne l'avait contactée et qu'elle ignorait même l'existence de l'Opéra de Montréal. Elle a ajouté qu'elle serait venue avec grand plaisir.»