Dans la vie d'un mélomane, il y a des concerts dont le souvenir se dissipe dans les brumes de la banalité. D'autres laissent leur marque, pour différentes raisons. On se souviendra de ce concert de l'Orchestre de la Francophonie présenté hier après-midi à la Maison symphonique à la fois pour la qualité des solistes, le dynamisme du chef, l'originalité du programme et la participation émouvante des petits musiciens du Garage à musique.

Tout a commencé par l'arrivée sur scène des enfants de l'orchestre de papier du Garage, chantant Vent frais, vent du matin en tenant leurs violons de papier mâché multicolores. Le ton était donné: ce serait un après-midi où l'on aurait mille raisons d'être attendri.

À la corbeille, on pouvait apercevoir le Dr Gilles Julien et Hélène Sioui-Trudel, qui poursuivent, avec la pédiatrie sociale et le Garage à musique, une oeuvre indispensable. Les quelques pièces exécutées par cet orchestre de papier (soutenu par des musiciens de l'OF) nous ont permis d'avoir un intéressant aperçu de l'apprentissage des jeunes et des méthodes utilisées par leurs enseignants.

Dans le Boléro de Ravel, d'autres petits musiciens, ceux là assez avancés pour utiliser de vrais instruments, ont joué en compagnie de l'OF en faisant preuve d'une attention, d'une discipline et d'un souci de bien faire remarquables. Ce sera sans aucun doute un moment dont ils se souviendront toute leur vie.

Suivait le Concerto pour cor et orchestre op. 91de Reinhold Glière, compositeur du XIXe siècle né en Ukraine et dont on n'entend pas les oeuvres assez souvent. Le soliste invité était l'Américain Ryan Little, 20 ans, un jeune homme frêle, mais qui a du souffle! Il est rarissime que l'on joue des concertos pour cor à la Maison symphonique. C'était donc un plaisir d'entendre la sonorité pleine et ronde de l'instrument remplir la salle. Le jeu de Ryan Little était très nuancé, juste et chantant.

Compositeurs québécois

En seconde partie, on a pu entendre des oeuvres de deux compositeurs de chez nous: Éric Champagne et Simon Bertrand, tous deux lauréats de différents prix Opus pour la qualité de leur travail. Ils étaient présents dans la salle et sont venus saluer la foule.

Le Mouvement symphonique no 1 de Champagne a déjà été joué à Montréal et, encore une fois, l'effet «wow» s'est produit. L'écriture est riche et généreuse, les effets dramatiques sont abondants et l'oeuvre est accessible, en plus de donner aux sections de l'orchestre des occasions de s'illustrer.

Il était prévu que l'on entende le Concerto pour piano de Simon Bertrand, une commande de l'OF. Pour des raisons inconnues, la création de l'oeuvre a été reportée à l'été prochain. Elle a été remplacée par Rideau et fanfares, du même compositeur, une pièce captivante aux ambiances mystérieuses traversées de courants tumultueux.

Dans Tzigane, de Ravel, Alexandre Da Costa s'est fait éblouissant. Nous aurons l'occasion de reparler de son interprétation plus en détail, car le violoniste jouera cette même pièce avec l'OSM trois fois cette semaine dans les parcs de Montréal.

En fin de concert, La Valse de Ravel est arrivée comme un coup de poing. La remarque peut sembler inusitée à propos de cette pièce, que l'on a plutôt tendance à associer au raffinement et aux subtilités des couleurs orchestrales de Ravel. Mais c'était bien l'effet produit.

L'approche de Tremblay est très structurée et soucieuse des détails, mais surtout, extrêmement vivante. Les contrastes dynamiques sont fortement soulignés tandis que l'aspect sinueux des lignes mélodiques est accentué. Globalement, on remarque toutefois que la fluidité de l'exécution et l'unité de l'orchestre sont encore à travailler, chaque section semblant être, jusqu'à un certain point, détachée des autres. Mais cela n'a pas empêché le chef d'emporter ses musiciens - et l'auditoire avec eux - dans un tourbillon d'énergie démentiel qui s'est conclu par un véritable feu d'artifice. Une fin de concert comme on les aime.