La soprano américaine Renée Fleming, qui règne depuis plus de vingt ans sur les plus prestigieuses scènes lyriques mondiales, est de retour à Los Angeles avec Un tramway nommé désir, un opéra écrit pour elle, au succès peu habituel pour une oeuvre contemporaine.

La «Reine du Met» (l'opéra de New York), qui a enchanté le public de l'Opéra de Paris pendant les dix années de direction de Hugues Gall (1995-2004), n'avait plus chanté d'opéra à Los Angeles depuis La Traviata en 2006.

Elle y revient (jusqu'au 24 mai) avec une oeuvre écrite pour elle et créée par ses soins en 1998 à l'Opéra de San Francisco: l'adaptation lyrique de la pièce de Tennessee Williams Un tramway nommé désir, immortalisée au cinéma par Marlon Brando et Vivian Leigh.

Signée du pianiste, chef d'orchestre et compositeur américain André Prévin, la partition s'est imposée rapidement sur les scènes américaines et européennes, un destin rare pour un opéra contemporain.

«C'est la cinquième (série de représentations) que j'interprète, et cela a été donné près de 25 fois», déclare Renée Fleming dans un entretien à l'AFP.

«C'est une oeuvre qui connaît un grand succès. C'est bien fait, les gens l'adorent, c'est accessible, c'est adapté d'une pièce célèbre et appréciée, et c'est très bien écrit», ajoute-t-elle. «Cela devrait faire partie du répertoire de base de toutes les grandes maisons lyriques».

La soprano de 55 ans interprète le rôle de l'instable et capricieuse Blanche DuBois, l'un des personnages iconiques du théâtre américain, auquel elle prête sa légendaire voix de velours, sur laquelle le passage des ans ne semble avoir aucune prise.

À Paris, lors de la glorieuse décennie du mandat de Hugues Gall, Renée Fleming a chanté ses plus beaux rôles, de Rusalka au Chevalier à la rose, en passant par Manon, Alcina ou le répertoire mozartien.

«Paris est ma seconde maison», dit-elle. Parmi ses meilleurs souvenirs, «les nouvelles productions avec (le metteur en scène canadien) Robert Carsen: Rusalka, Capriccio, qui était un adieu à Hugues Gall, que j'adorais. J'ai fait plus de nouvelles productions avec Robert Carsen qu'avec quiconque, et elles étaient toutes extraordinaires», dit-elle.

Outre son activité de chanteuse lyrique - qui ne montre aucun signe de ralentissement -, l'artiste s'est lancée depuis quelques années de nouveaux défis, avec des incursions dans le répertoire populaire (avec le disque Dark Hope), le jazz (Haunted Heart), le cinéma (en apparaissant sur la bande originale du Seigneur des Anneaux) voire le sport: en février, elle a chanté l'hymne américain lors du Super Bowl, la finale du championnat de football américain, suivi à la télévsion par plus de 110 millions de fans.

Elle est aussi conseillère artistique de l'Opéra de Chicago, où elle tente d'attirer un public qui ne va pas naturellement à l'opéra, en variant les répertoires et en donnant leur place aux oeuvres américaines.

«L'engagement (de l'Opéra de Los Angeles) pour l'opéra américain est quelque chose que je soutiens totalement, car beaucoup de grandes maisons ne présentent pas les oeuvres américaines et c'est un mauvais service rendu à la culture de ce pays», déclare-t-elle. «Mais si je le fais, c'est parce que j'adore ça, pas parce que je me sens obligée».

À Los Angeles, elle retrouve un autre chanteur infatigable: le ténor espagnol Placido Domingo - également directeur général de l'Opéra de Los Angeles -, qui interprète ces jours-ci Thaïs de Massenet (jusqu'au 7 juin).

C'est avec le célèbre ténor de 73 ans, aujourd'hui versé dans le répertoire de baryton, que Renée Fleming a fait ses débuts au Met, dans Otello. La chanteuse a tenu à lui rendre hommage lors d'une récente conférence de presse.

«Placido est un cas à part parmi les chanteurs. Je suis tellement admirative de votre capacité à grandir en permanence, à apprendre, et à continuer à faire toutes ces choses», a-t-elle lancé à l'artiste possédant le plus grand répertoire de l'histoire du chant - 124 rôles - et qui ajoutera encore trois nouveaux opéras à son tableau de chasse la saison prochaine.

«Moi, je suis une mini-Placido. J'ai chanté 54 rôles», a-t-elle ironisé.