Pour Florian Ziemen, chef invité qui dirige l'Orchestre des Grands Ballets canadiens de Montréal pour La nuit transfigurée, aucun enregistrement ne peut remplacer un véritable orchestre dans un ballet.

«Aujourd'hui, on utilise souvent des bandes sonores, mais rien n'égale l'intensité et la qualité émotive qu'apporte l'orchestre, dit-il. Vous avez de la chance, à Montréal, d'avoir encore un orchestre pour les ballets, car il y a bien des villes dans le monde où les compagnies n'utilisent plus que des enregistrements.»

Natif de Munich, Florian Ziemen dirige surtout au ballet et à l'opéra. Une direction d'orchestre qui diffère de celle d'un concert, selon lui.

«Dans un ballet, la différence par rapport à un concert, c'est que l'on fait partie d'une action dramatique, dit-il. Comme chef, il vous faut sentir que vous n'êtes pas seul avec la musique, mais que vous êtes au service d'une narration. L'orchestre doit créer une ligne émotionnelle, et le travail du chef est de servir les danseurs. Je fais mon possible pour leur donner une base afin qu'ils dansent le mieux possible.»

La nuit transfigurée

«La nuit transfigurée a été composée par Arnold Schoenberg en 1899, alors qu'il était encore jeune et qu'il étudiait avec Alexander von Zemlinsky. Il l'a écrite au moment où il passait des vacances avec lui et la soeur de Zemlinsky, Mathilde, qui allait devenir sa femme.»

En composant son oeuvre, Schoenberg s'inspirait d'un poème de Richard Dehmel, mais il ne cherchait pas à décrire l'action en musique. «Il souhaitait plutôt traduire les sentiments et l'intensité qui se dégagent de cette histoire», dit Florian Ziemen.

Au moment de sa création, La nuit transfigurée, d'abord écrite pour sextuor à cordes, avait choqué les spectateurs.

«La première a polarisé le public. Ce qui a choqué, c'était d'abord le sujet du poème, mais aussi la musique qui était avancée pour son temps et très chromatique. Il y a eu des critiques négatives, mais rapidement, l'oeuvre a connu le succès.»

Le regard d'Orphée

La première partie du spectacle, Le regard d'Orphée, fait appel à des oeuvres ou des parties d'oeuvres de quatre compositeurs viennois qui ont tous un lien avec Schoenberg. En effet, si Alexander von Zemlinsky, dont on entendra la Sinfonietta op. 23, a été son professeur et son beau-frère, Anton Webern fut son élève. De ce dernier, on entendra la Passacaille pour orchestre op. 1.

Quant à Johann Strauss II, célèbre comme son père pour ses valses, Schoenberg l'adorait, tout simplement. Il a d'ailleurs réalisé une transcription de l'oeuvre utilisée pour le ballet, la Valse de l'Empereur (Kaiser-Walzer en allemand), pour formation de chambre.

Le quatrième et non le moindre de ces compositeurs viennois est Gustav Mahler. L'extrait utilisé est tiré de sa Symphonie no 1. «Au moment où Schoenberg a écrit La nuit transfigurée, Mahler était la figure centrale de la musique à Vienne et il a eu une influence énorme sur la Seconde école de Vienne, dont Schoenberg fut le leader», dit Florian Ziemen.