Très touchant, ce «On s'ennuie de vous» adressé aux journalistes par Madame la présidente du Ladies' Morning Musical Club lors de sa traditionnelle allocution de fin de saison. Dans ce cas-ci: 122e saison. Un record.

Mme Pathy faisait allusion, bien sûr, au fait que les critiques ne sont pas là à chacun des concerts sans exception. Lorsque le LMMC nous ramène Angela Hewitt en même temps que l'Orchestre symphonique de Québec vient nous voir, au surplus avec un soliste dans ses débuts ici, la simple logique commande d'aller entendre les visiteurs. Et lorsque, à la même heure, Pro Musica présente un quatuor local et le LMMC, un quatuor étranger encore inconnu ici, il est normal d'aller plutôt au nouveau venu, quitte à ce que le concurrent soit à son tour privé d'une couverture médiatique.

Madame la présidente a aussi parlé d'une saison qui fut «de toute beauté». Au moins trois des 10 concerts furent catastrophiques, on s'en rappelle trop bien. Si celui d'hier n'entre pas tout à fait dans cette catégorie, il appartient à ces innombrables expériences dont on ne conservera qu'un bien vague souvenir.

Deux gros défauts dans cette exécution - on a bien lu: exécution - de Daniel Müller-Schott, violoncelliste allemand, et Simon Trpceski, pianiste macédonien. Le premier avait joué au LMMC en 2010 et avait laissé une bonne impression. Le second s'est aussi produit ici, mais on a oublié dans quelles circonstances.

Un auditeur me demande: «Comment se prononce ce nom, Trpceski?» Réponse: «C'est simple: fortissimo». Cet homme joue tellement fort, TELLEMENT FORT, qu'on en a carrément mal aux oreilles. La salle contient 600 sièges. L'homme multiplie les «fff» et «ffff» comme s'il se trouvait dans un vaisseau de 3000 places. À l'entracte, quatre personnes viennent me confier leur désarroi pendant que quelqu'un démonte le piano.

Le pianiste a raison de prendre beaucoup de place (les Sonates de Beethoven et de Brahms sont bien indiquées «für Pianoforte und Violoncell», et non le contraire). De là à doubler et tripler l'intensité d'un simple «f», il y a une marge. Très souvent, la voix du violoncelle disparaissait complètement sous le déluge pianistique.

Concernant l'interprétation du violoncelliste, il faut plutôt parler de surinterprétation. La continuelle recherche de «profondeur» déforme la grande ligne violoncellistique et crée au passage toutes sortes d'irrégularités, petites mais réelles, au niveau de la continuité, de l'articulation et de la justesse. Résultat: ces légers ratés et grincements, ces «sforzandos» beaucoup trop marqués, sans parler des passages où les deux partenaires ne sont pas tout à fait à la même place...

De tout ce récital, un seul moment à retenir: le Largo de la Sonate de Chopin, où se rejoignaient l'absolu respect du texte, la simplicité la plus entière et la profondeur la plus vraie. Un petit miracle, le temps de quelques minutes. On peut y ajouter, de Chopin encore et en guise de rappel, cette transcription de l'un des Nocturnes.

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DANIEL MÜLLER-SCHOTT, violoncelliste, et SIMON TRPCESKI, pianiste. Hier après-midi, Pollack Hall de l'Université McGill. Présentation: Ladies' Morning Musical Club.

Programme:

Sonate no 4, en do majeur, op. 102 no 1 (1815) - Beethoven

Sonate no 2, en fa majeur, op. 99 (1886) - Brahms

Sonate en sol mineur, op. 65 (1846) - Chopin