Après trois inexplicables échecs de début de saison -- Alina Pogostkina, Garrick Ohlsson et Christoph Genz --, le Ladies' Morning Musical Club retrouvait son habituel sommet d'excellence avec le jeune Quatuor à cordes Doric, de Grande-Bretagne, confirmant du même coup son flair (bien féminin!) pour la découverte du «nouveau talent».

Fondé en 1998 mais jamais entendu encore à Montréal, le Doric s'est révélé un quatuor tout à fait exceptionnel et ce, à travers un programme très exigeant partagé entre trois styles bien différents. Le nouveau venu s'inscrit donc dans cette sorte d'âge d'or que connaît présentement la musique instrumentale, et notamment la musique de chambre. Nous vivons une riche période de quatuors, alors que la musique vocale, par exemple, nage dans le vide, ni plus ni moins.

Les musiciens du Doric -- trois Anglais, plus une Française à l'alto - jouent à plein archet, en s'écoutant comme s'ils conversaient. L'idéal du quatuor, c'est cela. On note l'absolue justesse de chacun, ce qui n'est hélas! pas le cas de tous les quatuors. Lorsque l'un d'eux a quelque chose de particulièrement important à dire, on l'écoute avec bonheur : ainsi, le violoncelliste, le premier-violon aussi, qui tous deux avaient beaucoup à faire dans ce programme.

Le Haydn (deuxième des six de l'op. 20) s'impose d'autant plus que le Doric fait les deux reprises au premier mouvement (lequel est ainsi joué au complet deux fois) et que l'oeuvre illustre, comme tant d'autres, l'inépuisable inventivité du compositeur, avec ce récitatif aux étranges unissons, au deuxième mouvement, et cette fugue à quatre sujets comme finale. Le Doric remplit ces pages d'une infinité de nuances, ajoutant même, au passage, des «piano» qui n'y figurent pas. Seule la fugue finale est prise un peu vite.  

Les visiteurs proposaient ensuite du nouveau: le deuxième Quatuor de l'Austro-hollywoodien Erich Wolfgang Korngold. On avait entendu le troisième Quatuor au LMMC par le Sine Nomine, de Suisse, en 1995, et par notre Molinari en 1999. Cette musique n'est pas la plus sublime qui soit, elle est même un peu naïve, mais elle s'écoute bien; elle est souvent très difficile à mettre en place et comporte des trouvailles comme ces accords en harmoniques au début du troisième mouvement. Le Doric l'a abordée comme un chef-d'oeuvre et a conféré à la valse finale un charme tout à fait «viennois».

Contraste total après l'entracte, avec les 45 minutes de l'op. 127 de Beethoven, qui ouvre la redoutable série des «derniers quatuors». La modernité de cette musique abstraite et souvent statique déroute encore aujourd'hui, près de deux siècles après sa création. Avec des archets qui fouettent les cordes, le Doric s'engage entièrement dans cet univers qui laisse bien des auditeurs sur une interrogation. Telle en est l'immensité! Il ne fallait rien y ajouter et, malgré l'ovation, les musiciens ont bien fait de ne pas donner de rappel.

Mais ils reviendront, aucun doute là-dessus!

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QUATUOR À CORDES DORIC - Alex Redington et Jonathan Stone (violons), Hélène Clément (alto) et John Meyerscough (violoncelle). Dimanche après-midi, Pollack Hall de l'Université McGill. Présentation : Ladies' Morning Musical Club.

Programme :

Quatuor no 32, en do majeur, op. 20 no 2, Hob. III : 32 (1772) - Haydn

Quatuor no 2, en mi bémol majeur, op. 26 (1934) - Korngold

Quatuor no 12, en mi bémol majeur, op. 127 (1825) - Beethoven