Dans les coulisses, la mezzo-soprano française Sophie Koch ajuste son costume du XIXe siècle avant d'entrer sur scène, dans la salle comble du Metropolitan Opera de New York. Des centaines de milliers de spectateurs l'attendent aussi, dans des cinémas du monde entier.

Près d'elle, dans l'espace réduit des coulisses du Met, attendent d'autres chanteurs, une metteure en scène, une costumière, deux cameramen, et une douzaine d'employés qui chargent un tronc d'arbre et un banc, pour le décor du deuxième acte de Werther, l'opéra de Jules Massenet adapté de l'oeuvre de Goethe.

Sophie Koch sourit, respire profondément et grimpe un petit escalier en bois. Quelques secondes plus tard, elle est sur scène avec le ténor allemand Jonas Kaufmann.

Ce samedi est un jour spécial dans le temple new-yorkais de la musique classique: en plus de la salle de 3800 personnes, Werther est retransmis en direct et haute définition (HD) dans 2000 cinémas de 66 pays, de Paris à Pékin en passant par Buenos Aires, Moscou et Le Caire.

«Aujourd'hui, nous aurons entre 200 000 et 250 000 personnes qui le suivront en direct», explique à l'AFP Peter Gelb, le directeur général du Met.

Cette retransmission en HD a été lancée pour la première fois pour la saison 2006-2007, avec 248 cinémas dans huit pays. Elle n'a cessé de s'étendre, et plus de 14 millions de billets ont été vendus depuis, transformant selon lui l'initiative en «grand succès mondial».

Une douzaine de caméras haute définition diffusent douze fois par saison aux amateurs du monde entier la magie du Met.

L'oeuvre est sous-titrée en huit langues (anglais, français, allemand, italien, portugais, espagnol, russe et suédois). En Asie, la retransmission existe aussi, mais en différé, en raison du décalage horaire.

Une véritable armée

Considéré comme l'un des plus grands opéras au monde, le Met présente chaque saison quelque 30 oeuvres et productions coûteuses - dont chaque année plusieurs nouveautés - qui combinent le classique et l'innovant, et attirent des milliers de touristes en plus du public new-yorkais.

Les spectateurs ignorent bien souvent la tache herculéenne que représente chaque opéra, et la recherche de perfection minutieuse qui est la signature du Met.

«Il n'y a pas d'autre forme d'art qui demande de manière simultanée un orchestre symphonique complet, un choeur géant, des danseurs, de nombreux décors et acteurs. C'est une véritable armée artistique», souligne Peter Gelb.

Pour la nouvelle production de Werther de Richard Eyre, ce samedi à 13h, l'équipe est arrivée dans la matinée. La scène a été préparée la nuit précédente.

«Je suis arrivé à 10h30 pour jouer à 13h, parce qu'il y avait le HD, un maquillage spécial pour la télé qui est plus long que d'habitude, et je voulais être bien réveillée pour être d'attaque», explique à l'AFP Sophie Koch, qui fait ses débuts au Met avec cet opéra.

Tandis qu'elle est maquillée avec les autres artistes, les musiciens arrivent, et derrière la scène, la soprano américaine Patricia Racette, qui présente la transmission HD, revoit avec une équipe l'introduction et les interventions prévues durant l'entracte.

Dans les grands couloirs, où le novice est assuré de se perdre instantanément, des membres de la production circulent avec des chemises plein les bras. D'autres poussent des chariots avec des éléments de décor et du vestiaire.

La pression monte, l'humeur reste souriante.

Gladiateurs de l'opéra

«Ce sont de véritables gladiateurs, et le public le comprend et répond, affirme Peter Gelb, pour expliquer la taille du défi. Jonas Kaufmann opine. Il se dit «un grand admirateur de la HD. C'est un immense défi. Il faut être 100% crédible».

«C'est un stress énorme, parce que la moindre chose, si l'on n'est pas en forme, si l'on rate une note, n'importe quoi, le monde entier va le savoir!» confie aussi Sophie Koch.

Tout est contrôlé depuis un camion stationné derrière le Met. Peter Gelb s'y rend, surveillant avec attention les caméras qui filment, les coupures, et les premiers plans.

En plus des coulisses et des couloirs, la retransmission permet de découvrir quelques petits secrets du Met.

Exception new-yorkaise, plusieurs opéras sont présentés chaque semaine au Met. Et alors que Werther entre en scène, des chanteurs répètent, dans une salle au troisième sous-sol, La bohème de Puccini.