Comme on le sait, les deux programmes de l'OSM cette semaine sont composés d'oeuvres que l'orchestre jouera en Europe dans quelques jours. Sur la foi de ce qu'on a entendu hier soir, l'un des triomphes de la tournée devrait être le deuxième Concerto de Liszt tel que joué par Marc-André Hamelin.

Hamelin - dont c'est au moins la deuxième tournée avec l'OSM - est parfaitement prêt pour le voyage. L'orchestre, pas tout à fait. La cinquantaine passée, et parvenu depuis longtemps au sommet absolu de ses dons pianistiques, Hamelin continue de s'imposer à un niveau autrement supérieur, celui de musicien et d'interprète.

Le deuxième Concerto de Liszt, aussi tapageur que le premier, mais en même temps plus rêveur et plus poétique, retrouve sous les doigts de Hamelin sa pleine et intense dimension romantique. D'une durée de 20 minutes, il tient en un seul mouvement formé de six sections contrastantes où le piano, sollicité presque sans répit, se voit aussi confier quelques cadences. Hamelin traverse la partition avec la plus haute maestria et l'orchestre fait corps avec lui à chaque instant... ou presque. En fait, c'est d'abord lui qu'on écoute. II domine la situation tel un géant, exécute les doubles octaves avec une incroyable puissance, mais sans jamais jouer dur. Tout à l'opposé, il donne un sens à ces acrobatiques glissandos qui sonnent tellement creux sous d'autres doigts et il va chercher à l'aigu du clavier des sons cristallins de la plus étrange beauté. Lorsque la synchronisation piano-orchestre sera parfaite et que le solo de violoncelle sera tout à fait juste, on décernera 10 sur 10.

Nagano a bien fait de remplacer le Wagner annoncé par un autre. Son Prélude de Parsifal s'élève lentement de la masse orchestrale comme un acte de foi. Hélas! l'énorme toux d'un spectateur trônant à la corbeille vient tout gâter! Nagano prend ensuite le micro pour décrire, dans son ineffable français-anglais, la «création» qu'il a commandée à un certain David Philip Hefti, présent quelque part dans la salle. Notre maestro indique que la pièce se veut «un pont» avec le reste du programme, qu'elle doit durer 8 minutes et qu'elle est «bizarre» (sic). Verdict: on ne reconnaît absolument rien des autres oeuvres, la chose dure près de 10 minutes et elle n'est même pas bizarre mais se ramène au n'importe quoi «contemporain» qu'on nous sert à longueur de saison.

La Symphonie fantastique de Berlioz occupe l'après-entracte. On s'étonne que Nagano reprenne ce cheval de bataille des tournées de Dutoit. Ce choix risque de faire du présent chef de l'OSM une sorte de faire-valoir du prédécesseur. Totalisant 57 minutes, y compris les deux grandes reprises, l'exécution est fort impressionnante, tant dans la masse orchestrale grouillante et grimaçante de la Nuit du Sabbat que dans le mystérieux dialogue cor-anglais/hautbois de la Scène aux champs. Mais Nagano et l'OSM peuvent faire encore mieux: à preuve, leur prestation de mars 2012. Il reste simplement beaucoup de petits détails de mise en place à revoir.

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ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef d'orchestre: Kent Nagano. Soliste: Marc-André Hamelin, pianiste. Hier soir, Maison symphonique, Place des Arts; reprise ce soir, 20 h. Séries «Grands Concerts».

Programme:

Prélude de Parsifal (1882) - Wagner

Adagio - Beziehungsweisen für Orchester (2014) (création) - Hefti

Concerto pour piano et orchestre no 2, en la majeur, S. 125 (1839, rév. 1861) - Liszt

Symphonie fantastique, op. 14 (1830) - Berlioz