En Chine, où il dirige trois grands orchestres, Long Yu est le chef le plus réputé du pays. À Montréal, il est pratiquement inconnu. On pourra le découvrir cette semaine comme chef invité à l'OSM pour la première fois.

«L'OSM est bien connu en Chine par ses enregistrements. La répétition d'aujourd'hui a été magnifique, c'est vraiment un trésor pour votre ville que d'avoir un tel orchestre», a-t-il déclaré à La Presse peu après la séance.

Le chef de 58 ans, qui a déjà dirigé les orchestres symphoniques de Toronto et de Vancouver, se dit un bon ami de Charles Dutoit. Ensemble, ils ont lancé des festivals de musique à Guangzhou et à Shanghai.

Après avoir été proscrite parce que considérée comme impérialiste et bourgeoise pendant la Révolution culturelle, la musique classique a commencé à renaître en Chine avec la réouverture du Conservatoire de Pékin, en 1978.

Elle connaît une popularité sans précédent depuis une quinzaine d'années. En témoignent les nouvelles salles de concert et maisons d'opéra aux architectures futuristes qui ont poussé comme des champignons au cours de la dernière décennie - on en dénombrerait au moins 50, selon l'historienne de l'architecture Victoria Newhouse. «Les grandes villes chinoises accordent beaucoup d'importance à la vie culturelle et veulent la soutenir en créant ces infrastructures, dit Long Yu. De plus en plus d'orchestres sont créés en province. Au cours des 20 dernières années, le niveau des musiciens chinois s'est grandement amélioré.»

Qigang Chen

Long Yu est venu ici avec son compatriote, le violoncelliste Jian Wang, qui interprétera les Variations sur un thème rococo, de Tchaïkovski. La cinquième Symphonie de Chostakovitch est également au programme, en plus de l'oeuvre orchestrale Enchantements oubliés, du compositeur chinois Qigang Chen.

«La musique de Qigang Chen est bien chinoise, mais en même temps, elle est fortement influencée par le style français, car il a étudié avec le compositeur Olivier Messiaen, explique le chef. Sa musique est un mélange d'éléments contemporains, impressionnistes et chinois.»

Qigang Chen, qui vit maintenant à Paris, fut un témoin privilégié des bouleversements politiques et du sort réservé aux artistes dans son pays. Au début de la Révolution culturelle, en 1966, il était adolescent et étudiait dans un conservatoire de musique. Il fut envoyé dans un camp de rééducation pendant trois ans.

«En Chine, on m'a appris à être le serviteur de tout le monde et à être un outil pour la société quand elle avait besoin de moi. Mais en France, Olivier Messiaen a été la première personne à me dire qu'on pouvait être soi-même. C'est lui qui m'a réveillé», expliquait Qigang Chen dans le documentaire Broken Silence, du réalisateur Eline Flipse.

Mais quand on l'interroge sur les liens entre la politique et l'art dans son pays, en mentionnant les controverses entourant l'artiste visuel Ai Weiwei, Long Yu est visiblement agacé. Il préfère ne parler que de musique.

«La vie musicale donne accès à une forme de joie plus spirituelle, dit-il. Elle aide les jeunes à développer leur imagination. C'est un langage particulier qui permet d'exprimer la réalité de façon différente et de voir le monde autrement.»

Concert La Chine à l'honneur, ce soir et demain, 20h, Maison symphonique de Montréal.