Kent Nagano et l'Orchestre Symphonique de Montréal continuent de roder le répertoire qu'ils présenteront le mois prochain en Europe. Après le Mahler de répétition générale dont il a dû se contenter la semaine dernière, le public se voir enfin offrir un concert digne de ce nom.

On a le droit de trouver un peu insignifiante la suite de Ravel intitulée Le Tombeau de Couperin et bien tapageur le Pétrouchka que Stravinsky écrivit pour le ballet. Il reste que les deux partitions mettent parfaitement en lumière les ressources d'un grand orchestre: sa virtuosité collective, ses premiers-pupitres, ses timbres et, bien sûr, le savoir-faire de son chef.

Adaptation pour petit orchestre d'aimables pièces pour piano, le Ravel se ramène à une conversation intime et élégante dominée par les bois. Nagano y perpétue cette transparence et cet équilibre caractéristiques de l'art français, hérités de Dutoit, à travers certains piliers de l'époque qui sont encore là.

Bien que donné dans l'instrumentation «réduite» de 1947, le Stravinsky mobilise l'orchestre complet et permet à toutes les sections de participer au déroulement d'un scénario à la fois grotesque et tragique. Nagano imprime à la partition de quelque 35 minutes un mouvement évoquant celui du spectacle, aidé par un orchestre en grande forme où quelques minimes accidents de parcours sont, pour l'instant, sans importance. La masse des cordes est nourrie, les bois et les percussions affichent leur perfection habituelle et les cuivres, sollicités ici en puissance et en extrême finesse, méritent enfin une très haute note: disons 9 et demi sur 10.

Le Stravinsky sera joué à Vienne, Madrid et Cologne; le Ravel, dans les deux premières villes. L'OSM s'est déjà produit à ces endroits, avec Dutoit, et sera bientôt prêt pour le voyage. Répondant à l'ovation de l'auditoire debout, Nagano annonce un rappel: le Prélude à l'après-midi d'un faune, de Debussy, que l'OSM jouera une seule fois, à Munich, avec, comme toujours, le vétéran Timothy Hutchins à la flûte.

Le soliste du concert, Gidon Kremer, ne sera pas de la tournée. Il faut s'en réjouir. Celui qui fut autrefois l'un des grands violonistes du monde est aujourd'hui, à bientôt 67 ans, un homme visiblement fatigué qui n'a plus rien à dire et qui, tel un débutant, joue en tournant les pages de sa partition, connaît de légers mais intermittents problèmes de justesse et cherche ses doubles cordes à travers un somptueux déluge orchestral, seul élément qui subsiste ici du magnifique Concerto de Sibelius.

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ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef d'orchestre: Kent Nagano. Soliste: Gidon Kremer, violoniste. Hier soir, Maison symphonique, Place des Arts; reprise demain soir, 20 h. Séries «Grands Concerts».           

Programme:

Le Tombeau de Couperin (1919-1920) - Ravel

Concerto pour violon et orchestre en ré mineur, op. 47 (1905) - Sibelius

Pétrouchka, partition de ballet (1911, rév. 1947) - Stravinsky