La septième Symphonie de Mahler fait presque l'unanimité chez les musicologues, les chefs d'orchestre et même les inconditionnels du compositeur: voici, de ses neuf symphonies, la plus mal écrite et la plus déroutante, avec ses thèmes sans originalité, ses développements incohérents, ses longueurs et ses redites, et son instrumentation incongrue incluant jusqu'à une guitare et une mandoline.

On s'étonne donc que Kent Nagano en ait fait la pièce maîtresse de la tournée que l'OSM effectuera le mois prochain en Europe. L'étonnement serait double si l'on s'en tenait à l'exécution d'hier soir. Mais il ne faut pas s'alarmer. Le concert est repris ce soir (et radiodiffusé en direct), il le sera ensuite à Toronto, puis de nouveau à Montréal le 15, avant le grand départ. Autant de lectures qui devraient donner les résultats escomptés.

Pour l'instant, voici ce Mahler qui, déjà difficile à prendre dans une exécution très soignée, se meut péniblement durant un cheminement de 80 minutes sans entracte correspondant à une répétition générale. L'énumération des détails à travailler et des imperfections à corriger pourrait ressembler à la liste dressée par l'acheteur éventuel d'une maison délabrée. Il faudra réparer ceci, remplacer cela...

Dans le cas présent : injecter un peu de tonus à une trompette bien fatiguée et raffermir l'attaque et arrondir la sonorité collective des cuivres, très sollicités ici, articuler les trilles des deux groupes de violons, faire sonner leurs «col legno» (passages avec l'archet à l'envers) et souligner leurs glissandos. Bien d'autres choses encore. Par exemple, au Scherzo central, où sont les pizzicatos des violoncelles et contrebasses que Mahler prescrit assez violents (d'abord en cinq «f», ensuite en trois «f») pour que la corde frappe le bois de l'instrument?

On nous dira sévère. On le sera ailleurs. Peut-être pas à Toronto, mais certainement à Vienne, la ville de Mahler.

L'ensemble reste quand même écoutable. Nagano avait déjà dirigé l'oeuvre ici une première fois, en 2007, dans une exécution bien supérieure cependant. Les deux Allegros extrêmes découvrent un orchestre augmenté à 110 musiciens où règne, voulue ou non, la confusion la plus totale. N'ayons pas peur des mots: cette musique est une musique de fou! Les deux nocturnes médians encadrant le Scherzo dégagent déjà une certaine atmosphère; il faudra aller encore plus loin. La forêt des bois est très animée et très colorée: c'est peut-être là la principale force de l'OSM. Aux timbales et percussions: 10  sur 10, ou à peu près. En comparaison, les cordes semblent un peu négligées.

Aussi bien le dire: ce Mahler n'est pas prêt pour l'exportation. Et même pas pour la maison.

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ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef d'orchestre: Kent Nagano. Hier soir, Maison symphonique, Place des Arts. Reprise ce soir, 20 h, et le 15 février, 20 h. Séries «Grands Concerts». Radiodiffusion du concert de ce soir à Radio-Canada.

Programme:

Symphonie no 7, en si mineur (1904-1905) - Mahler