Le monde musical marquait le centenaire de la naissance de Benjamin Britten l'an dernier. À l'OSM, où les choses ne se font pas toujours comme ailleurs, on fête Britten avec un an de retard. En octobre dernier, le même OSM célébrait, cette fois avec un an d'avance, un autre grand anniversaire britannique, le 450e de la naissance, en 1564, de William Shakespeare... N'essayons pas de comprendre.

Pour illustrer l'importance de Britten, l'OSM a choisi des valeurs sûres, placées en début et en fin de programme: les Four Sea Interludes, sorte de suite symphonique que Britten prépara à partir de pages orchestrales reliant des scènes de son tragique opéra Peter Grimes, et, datant de la même période (1945-1946), une autre suite, celle-là plus légère, groupant 13 variations et une fugue sur un thème de Purcell, qui se présente comme un concerto pour orchestre mais sert aussi d'initiation aux instruments, d'où le titre The Young Person's Guide to the Orchestra.

Ce double choix n'avait rien de particulièrement original: on a entendu les Interludes deux fois l'été dernier, à Lanaudière et au National Youth, et le Métropolitain a donné le Young Person's Guide deux fois à l'automne, et ce, dans les deux versions: avec narrateur et sans narrateur. Cette fois, on pourra dire que l'OSM fait les choses comme les autres!

Pour l'essentiel, c'est un bon concert. Difficile de se tromper puisque le chef invité, Sir Andrew Davis, vient du pays de Britten. Nous le connaissons depuis ses années comme chef du Toronto Symphony. À bientôt 70 ans, il a acquis métier et maturité; avec la mort de Sir Colin, il n'est plus le «Davis number 2». Dans les deux oeuvres de Britten, l'OSM a déployé pour lui sa plus spectaculaire virtuosité et ses plus étincelantes couleurs aux bois et aux percussions. Mais il faut parler d'abord de virtuosité collective, principalement dans les rapides échanges entre les groupes, car le discours fut marqué ici et là de petites imprécisions. On aurait voulu aussi plus d'atmosphère dans les Interludes; en revanche, les variations d'après Purcell nous valurent de remarquables «numéros», dont celui des huit contrebasses.

Sans lien avec Britten, le bruyant et très agité Capriccio espagnol de Rimsky-Korsakov reçut une exécution en accord. On en retiendra les solos de flûte et de harpe plutôt que le solo de violon.

De retour lui aussi à l'OSM, le jeune violoncelliste français Gautier Capuçon s'est lancé dans le premier Concerto de Chostakovitch à toute vitesse, comme indisposé, ayant atterri à Dorval en pleine nuit après avoir raté deux avions. Il se ressaisit bientôt, tira une réelle expression du mouvement lent, puis traversa avec un parfait contrôle instrumental la très longue cadence acrobatique tenant lieu de troisième mouvement (cadence hélas! assortie de multiples toux et d'un téléphone cellulaire). Davis et l'orchestre le rejoignirent ensuite pour un finale absolument électrisant qui provoqua l'ovation de la salle comble.

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ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef invité: Sir Andrew Davis. Soliste: Gautier Capuçon, violoncelliste. Hier soir, Maison symphonique, Place des Arts («Grands Concerts»); reprise auj., 10 h 30 («Matins symphoniques»).

Programme:

Four Sea Interludes, op. 33a, de l'opéra Peter Grimes (1945) - Britten

Concerto pour violoncelle et orchestre no 1, en mi bémol majeur, op. 107 (1959) - Chostakovitch

Capriccio espagnol, op. 34 (1887) - Rimsky-Korsakov

The Young Person's Guide to the Orchestra, op. 34 (1946) - Britten