Deux ans après le conte symphonique La tuque en mousse de nombril, Fred Pellerin et l'Orchestre symphonique de Montréal remettent ça à compter de ce soir. Dans Le bossu symphonique, Pellerin et Kent Nagano se promettent d'aller encore plus loin.

Kent Nagano avait rendez-vous avec Fred Pellerin samedi à 16h, mais son avion en provenance de Prague avait du retard. Le conteur, lui, venait de passer quelques jours avec les siens à Saint-Élie-de-Caxton après une série de spectacles en Europe.

Il est déjà 18h30 quand les deux hommes, tout sourire, sortent de leur rencontre de travail. Ils se prêtent de bonne grâce à la séance de photos, puis Kent Nagano nous entraîne dans sa loge de la Maison symphonique en tirant la valise qu'il traîne depuis l'aéroport.

Si le maestro est fatigué, rien n'y paraît. Il se pâme pour la «magie» de l'hiver québécois et pouffe de rire chaque fois que Pellerin lance une expression colorée dont il a le secret. Si différents soient-ils, ces deux-là ont visiblement des atomes crochus.

La première fois que Pellerin lui avait dit d'un bout à l'autre sa Tuque en mousse de nombril il y a deux ans, Nagano n'avait strictement rien compris. «Aujourd'hui encore, je suis complètement perdu!», dit-il spontanément. Les deux hommes éclatent de rire puis le maestro ajoute: «J'écoute Fred et je me sens dans un rapport de musicien à musicien, d'artiste à artiste. Peut-être que, conceptuellement, abstraitement, c'est un peu weird, mais quand on commence à travailler ensemble, c'est plutôt normal, c'est organique.»

Nagano insiste sur la structure des contes de Pellerin, son sens de la nuance et du rythme, du timing: «Quand Fred construit ses improvisations, ce n'est vraiment pas n'importe quoi.»

Cette fois, explique Pellerin, le chef d'orchestre et lui ont commencé à travailler ensemble beaucoup plus tôt et il ne lui a soumis qu'un canevas plutôt que quatre: «On a repris la méthode de travail qu'on avait ensemble, on n'a pas réinventé le truc. Donc on peut aller beaucoup plus loin. Aujourd'hui, il nous restait deux ou trois trucs à accrocher. Je deviens one of the band, ça veut dire qu'un moment donné, le maestro me donne le coup de baguette et pouf! moi je pars en sachant que j'ai un trou de tant de mesures.»

Parfois, c'est le conteur qui va donner le signal au chef: «Il y a un passage où Fred joue un solo d'harmonica accompagné de l'orchestre sur un mode improvisationnel. J'ai eu besoin d'entendre le solo deux fois pour compter les mesures à ma façon. C'est la rencontre de deux approches différentes, mais, à la fin, la musique est la musique.»

La musique de Babine

Le personnage central de ce Bossu symphonique est nul autre que Babine, mais le Babine d'avant le film du même nom, insiste Pellerin: «Je sais que Babine a un peu étampé Vincent-Guillaume Otis dans la tête des gens, mais c'est avant qu'il soit ce beau Babine-là. C'est un souffre-douleur, on lui tape dessus à la journée longue.»

Il poursuit: «Ce qui était intéressant dans La tuque en mousse de nombril c'était le rapport entre la musique et la surdité parce qu'elle [Lurette] était sourde. Babine, c'est le fou du village, mais c'est surtout un musicien qui joue de l'harmonica. C'est lui qui organise la musique dans les soirées du village et, rapidement, Babine ne joue plus, mais l'évocation d'un Babine qui fait de la musique peut servir à démarrer l'orchestre.»

Parmi les pièces choisies conjointement par Nagano et Pellerin, certaines sont connues d'un large public (Danse macabre de Saint-Saëns, l'ouverture de Guillaume Tell de Rossini...), mais le maestro ne veut surtout pas d'un spectacle où l'on entendrait uniquement des thèmes archi connus: «Depuis mon arrivée à Montréal, j'ai toujours voulu faire La cathédrale engloutie de Debussy et on aura finalement l'occasion de la jouer pour la première fois.»

Fred Pellerin chantera également une chanson de son répertoire, enrichie de la contribution du compositeur et orchestrateur Julien Bilodeau, un complice de la première heure au même titre que le metteur en scène René Richard Cyr et le réalisateur de Radio-Canada Jocelyn Barnabé.

«C'est magnifique, dit Pellerin de la nouvelle mouture de sa chanson. Demain [hier], je vais l'entendre avec l'orchestre, mais tout ce que j'avais jusqu'à maintenant, c'était l'enregistrement MIDI ben carré et ben froid, mais ça fait déjà du frisson.»

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Le bossu symphonique, Fred Pellerin et l'OSM, jusqu'à jeudi à la Maison symphonique, 19h30. Diffusion sur ICI Radio-Canada Télé le 22 décembre (20h), sur ARTV les 23 (19h30) et 24 décembre (13h) et sur Espace musique les 23 (20h) et le 25 décembre (21h).