On ne sait pas encore - et on ne saura certainement jamais - ce que l'Orchestre de chambre McGill veut dire exactement en se proclamant «notre petit bijou orchestral». Quand même, il se présentait de nouveau sous ce slogan ridicule mardi soir, à l'occasion d'un programme de concertos pour un clavier de Bach inscrit au festival local qui porte le nom du grand compositeur.

La publicité parlait d'une «intégrale», ce qui signifie, selon les spécialistes, au moins sept concertos que Bach destina au «clavier», c'est-à-dire, indifféremment, au clavecin qu'il connaissait et au piano qu'il vit naître. Le même nombre figurait dans les notes de programme: sept concertos pour un clavier. Or, le concert n'en comptait plus que six. En même temps, on avait cessé de parler d'«intégrale»... Autrement dit, on avait promis une intégrale, mais on ne la donnait pas.

Ne nous plaignons pas. Ce que nous avons entendu suffisait amplement: un concert qui a duré deux heures et demie, avec non pas un mais deux entractes, lesquels furent peut-être les moments les plus rassurants de toute la soirée.

Soirée pénible, en vérité. Le malaise tient d'abord à un sérieux problème d'équilibre. Trônant à l'avant-scène, un grand piano de concert éclipse à peu près complètement le petit orchestre de 16 musiciens qu'on ne distingue qu'en partie et d'où nous parvient un son qu'il faut bien qualifier de miteux. Disons donc les choses telles qu'elles sont: le «petit bijou» fait vraiment pitié.

Ishay Shaer, obscur pianiste israélien de 30 ans, a choisi de jouer ses Bach au piano. La partition ouverte devant lui, il va de mouvement en mouvement comme un bon élève. On ne lui reprochera pas de s'empêtrer deux ou trois fois. On regrettera, plutôt, qu'il n'apporte aucune espèce de dimension pianistique à son monotone monologue, si ce n'est une accentuation de la main gauche à une couple d'endroits. À sa décharge, il faut reconnaître que les seuls instants où passe une certaine expression sont ceux où le petit orchestre reste presque muet.

Boris Brott avait choisi des tempi vifs pour les allegros. C'est un bon point. Un autre: on sentit un début d'interprétation ici et là, dans les mouvements lents. Pour le reste: une direction sans imagination, axée sur la cohésion entre la petite troupe et le soliste, cohésion non toujours obtenue cependant.

Signalons enfin que personne n'a informé le public que l'ordre des deux derniers concertos avait été inversé.

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ORCHESTRE DE CHAMBRE McGILL. Chef d'orchestre: Boris Brott. Soliste: Ishay Shaer, pianiste. Mardi soir, salle Bourgie du Musée des beaux-arts. Dans le cadre du 7e Festival Bach.