D'«ensemble instrumental» qu'il était à ses débuts, en 2000, Appassionata, devenu «orchestre de chambre» il y a deux ans, ouvrait sa 13e saison mardi soir avec des effectifs de 33 musiciens, devant une bonne salle de quelque 400 personnes à Pierre-Mercure. Le chef et fondateur Daniel Myssyk maintient son produit en vie, au milieu d'une concurrence redoutable: McGill (l'ancêtre), les Musici, Arion, les Violons du Roy, qui nous viennent régulièrement de Québec, et jusqu'à cet ensemble qui s'appelle tout bonnement «Orchestre de chambre de Montréal», comme s'il était le seul du genre.

Difficile de se démarquer dans pareille jungle, difficile aussi d'intéresser un public sollicité quotidiennement. Appassionata a eu de la chance mardi soir: il n'y avait rien d'autre au calendrier. Il fallait être là, nous y fûmes, et la soirée fut plutôt satisfaisante.

M. Myssyk n'est pas ce qu'on appelle un grand chef. Il n'a d'ailleurs aucune prétention en ce sens. Il reste néanmoins un musicien valable et intègre, qui obtient une bonne cohésion au sein d'instrumentistes qu'on retrouve un peu partout à longueur d'année, notamment au Métropolitain. Ces musiciens se réunissent quatre fois seulement par saison. Malgré leur nom fort ambitieux, cette intermittence ne leur permet pas d'atteindre la forte personnalité qui distingue, par exemple, les Violons du Roy.

Dirigeant avec une continuelle attention à toutes les sections autant qu'à l'ensemble, M. Myssyk a signé là un concert d'une bonne tenue. Sa grande réussite fut la Jupiter de Mozart. On ignore d'où vient ce nom considérable que porte la 41e et dernière symphonie du compositeur. Quoi qu'il en soit, M. Myssyk avait manifestement voulu justifier ce titre en présentant la Jupiter la plus longue qui se puisse imaginer, c'est-à-dire en faisant toutes les reprises sans exception, y compris celles qu'on ne fait jamais. Réentendre une très longue séquence encore fraîche à l'oreille conférait au discours une sorte d'élan et, mieux encore, de rebondissement des plus stimulants.

Cette Jupiter totalisa 35 minutes et s'écouta sans un instant d'ennui. L'exécution ne fut pourtant pas parfaite quant à l'équilibre entre les groupes. Ainsi, les cordes, bien que plus nombreuses que les vents, étaient souvent couvertes par ceux-ci. Ce déséquilibre affecta même les deux sections de violons au début du Menuet, où l'accompagnement des seconds sonnait plus fort que le thème chanté par les premiers. Il reste donc des détails à travailler.

Ouvrant le programme, la suite de concert que Stravinsky tira de son ballet humoristique Pulcinella reçut une exécution assez brillante. On en retiendra les tendres solos de la hautboïste Josée Marchand et le numéro comique des trois contrebasses. Suivait, Il Tramonto, le célèbre «poemetto lirico» de Respighi pour mezzo-soprano et quatuor à cordes. Encadrée par les cordes de l'orchestre jouant la partie de quatuor, Geneviève Couillard-Després recréa avec vérité la tragédie que décrit le poème de Shelley traduit en italien: au lendemain d'une nuit d'amour, une femme découvre son amant mort auprès d'elle. Laissant à d'autres la formule facile du debout-devant-lutrin, la jeune chanteuse livra de mémoire ce texte souvent proche du parlé et le joua, d'une voix sans doute imparfaite mais très intense, avec les mêmes mouvements désespérés qu'au théâtre. Un réel talent scénique, qu'on imagine dans un Menotti, par exemple.

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ORCHESTRE DE CHAMBRE APPASSIONATA. Chef d'orchestre: Daniel Myssyk. Soliste: Geneviève Couillard-Després, mezzo-soprano. Mardi soir, salle Pierre-Mercure de l'UQAM.

Suite de concert du ballet Pulcinella (1920-23) - Stravinsky

Il Tramonto, pour mezzo-soprano et cordes (1917) - Respighi

Symphonie no 41, en do majeur, K. 551 (Jupiter) (1788) - Mozart