Donné jeudi matin et repris dimanche après-midi, ce programme OSM comportait les doubles débuts ici du chef tchèque Jakub Hrusa et de la violoniste norvégienne Vilde Frang. Dans chaque cas, il s'agit de débuts marquants de musiciens encore peu connus et relativement jeunes : le chef a 32 ans et la violoniste, 27.

Les deux oeuvres purement orchestrales qu'on avait confiées au chef invité sont des oeuvres de son pays : la populaire Moldau de Smetana -- Vltava en tchèque -- et la huitième Symphonie de Dvorak, qui est certainement aussi belle que la célèbre du Nouveau Monde. Sans partition -- chose presque essentielle dans ce cas! -- et avec des gestes à la fois très simples, très énergiques et très efficaces, M. Hrusa obtient de l'OSM non seulement une réponse immédiate et pleinement convaincante, mais davantage : une sorte de relecture de ces deux partitions extrêmement familières qu'on semble redécouvrir.

À travers les différents tableaux de la Moldau, il fait chanter tout l'orchestre, et en particulier la phalange des cordes, avec l'affection d'un interprète qui pense avec nostalgie à son pays. Une expérience absolument nouvelle pour l'auditeur.

La jeune violoniste paraît ensuite pour le Concerto op. 26 de Bruch, mais précédée d'un message. Marc Béliveau, membre de la section des premiers-violons, a d'abord rendu hommage au financier et mécène Paul Desmarais, rappelant que le disparu avait une affection toute particulière pour le Concerto de Bruch. «Nous le jouerons à sa mémoire», de conclure M. Béliveau.

Dans les circonstances, une exécution ordinaire, comme il y en a tant, eût été désolante. Dieu merci, iI n'en fut rien. Vilde Frang et le chef invité, comme habités d'une même émotion, ont poussé à ses limites le contenu expressif de la célèbre partition, dans l'agitation ou dans la rêverie, allant à l'encontre des interprétations «objectives» à la mode, mais s'arrêtant au moment précis où ils risquaient de tomber dans la sentimentalité.

La nouvelle venue est une technicienne accomplie et, déjà, une authentique interprète. La salle, debout, lui a fait une ovation prolongée. On regrette simplement que la même salle accorde souvent ce genre d'ovation à des médiocrités.

Après l'entracte, la huitième Symphonie de Dvorak nous vaut la même révélation que le Smetana. Comme s'il plaçait Dvorak sur le même pied que Beethoven, M. Hrusa arrache à cette symphonie des secrets qu'on ne lui connaissait pas et transforme l'audition en une expérience bouleversante. Le chef apporte une touche nouvelle aux accents, aux nuances, il soigne de multiples détails, commande aux cuivres une énergie qui les rend méconnaissables et obtient même de la flûte une façon différente de faire les appoggiatures. Bref, il se passe là quelque chose de nouveau et même d'étrange.

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ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef invité : Jakub Hrusa. Soliste : Vilde Frang, violoniste. Dimanche après-midi, Maison symphonique, Place des Arts. Série «Dimanches en musique».

Programme : Vltava, poème symphonique no 2 (1875) du cycle Ma Vlast - Smetana

Concerto pour violon et orchestre no 1, en sol mineur, op. 26 (1866) - Bruch

Symphonie no 8, en sol majeur, op. 88, B. 163 (1890) - Dvorak