Chose plutôt rare, nous entendons en quelques jours deux récitals de violoncelle seul. Jeudi soir, c'était Yegor Dyachkov au Bon-Pasteur; lundi soir, Jean-Guihen Queyras ouvrira la 65e saison de Pro Musica à la Maison symphonique. Et les deux ont choisi la troisième et plus connue des six Suites de Bach.

Chez Dyachkov, ce Bach fut le sommet du récital, avec Improvisation II d'André Prévost. Ce Montréalais natif de Moscou n'a pas attendu ses proches 40 ans pour révéler toutes les qualités d'un grand violoncelliste: sa maîtrise technique, sa musicalité et sa maturité, nous les connaissons depuis longtemps. Son Bach livré de mémoire et donc de l'intérieur découvrait un grand penseur de la musique. Comme il se doit, Dyachkov souligne le caractère de chacune des pièces, qui sont, à l'origine, des danses. Mais sa conception va plus loin et place cette allemande, cette bourrée, cette gigue à un niveau plus abstrait.

Le texte est joué avec toutes ses reprises sans exception. Selon la tradition baroque, le second énoncé est parfois accentué d'une manière légèrement différente ou encore, comme dans les deux reprises de la Sarabande, enrichi de quelques ornements dont un ou deux plutôt audacieux. Pour son rappel, Dyachkov retournera à Bach: cette fois, la Sarabande de la deuxième Suite.

Tout aussi mémorable, son interprétation - nous disons bien interprétation et non simple exécution - de la pièce du regretté André Prévost, que la veuve de l'auteur écoutait au balcon. La pièce de 17 minutes n'a jamais été traduite avec une telle envergure. Les sons inhabituels que Dyachkov arrache à son précieux Lavazza de 1750 n'appartiennent plus à la boutique des effets faciles mais à l'univers bien plus noble de l'expression. Ce qui, pour certains, reste simple monologue de virtuosité devient ici une sorte de dialogue avec l'Au-delà.

Dyachkov avait joué la courte Sonate op. 25 no 3 de Hindemith au Bon-Pasteur en 2007. Même exploit technique cette fois encore et, à un moment donné, une telle vitesse qu'un passage semblait avoir été omis. Le Tema Sacher de Britten, qui ouvre le récital, tient en une minute exactement. En expliquer la genèse en prendrait beaucoup plus.

Le violoncelliste commente chaque élément de son programme et rappelle qu'Ana Sokolovic écrivit Vez pour lui en 2005. Pendant huit minutes, ostinatos en doubles cordes répétées et autres effets suggèrent une danse. Bien fait, pas trop long. Également brèves, les Sonates du Hongrois Ligeti et de l'Américain Crumb, toutes deux des années 50 et assez fréquement jouées, n'ont jamais laissé beaucoup d'impression et c'est encore le cas cette fois. Il y a lieu de se demander si cette musique n'est pas en cause.

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YEGOR DYACHKOV, violoncelliste. Jeudi soir, Chapelle historique du Bon-Pasteur.