Il y avait un monde fou, et notamment beaucoup d'enfants, à l'ouverture de la 48e saison de la Société de musique contemporaine du Québec vendredi soir à Pierre-Mercure. On y a rarement vu une telle foule et une telle agitation. On ne peut que s'en réjouir. Jusqu'à preuve du contraire, deux choses sont à l'origine de cet inhabituel succès d'assistance: le lancement de la nouvelle saison et le nom de Denis Gougeon.

Depuis quelques années, comme on le sait, la SMCQ axe une saison entière sur un compositeur d'ici. Cette fois, elle a pensé au compositeur natif de Granby, qui aura 62 ans le 16 novembre. Le choix en vaut bien d'autres: si Gougeon a connu quelques échecs (et il n'est pas le seul!), il est avant tout associé à une production considérable, imaginative et diversifiée où s'équilibrent émotion et humour.

Les quatre oeuvres au programme étaient toutes des reprises, ayant déjà été jouées à la SMCQ et même au NEM, son concurrent. Deux de ces oeuvres portent la signature de Denis Gougeon. Ce sont aussi les meilleures.

En début de concert, Marie-Danielle Parent reprenait le Heureux qui comme... de son mari, qu'elle avait créé à la SMCQ en 1987. En veston de lamé argent, Walter Boudreau anime pendant 16 minutes une sorte de grand gamelan très coloré et très dansant où circule, presque sans répit et sans paroles, la voix devenue instrument. À 59 ans, mais ne les faisant pas du tout, Marie-Danielle Parent fut absolument éblouissante, émouvante aussi quand il le fallait. Toujours la même allure de garçon, avec une voix et un souffle en accord. Un petit miracle.

On allait réentendre plus tard l'accordéoniste ontarien Joseph Petric dans le concerto que Gougeon écrivit pour lui et qu'il créa avec le NEM en 2004. L'oeuvre avait laissé une très forte impression il y a bientôt 10 ans. Même chose cette fois encore. Gougeon transfigure un instrument habituellement relégué aux foires, aidé en cela par un interprète convaincu et convaincant. Un autre grand moment du concert.

Le reste est moins bon. La pièce de John Zorn (déjà entendue au moins deux fois à la SMCQ) reste ce qu'elle est: en 14 minutes, un délirant collage de petites phrases musicales piquées un peu partout, au jazz, au classique, au tango, constamment interrompues, sans lien entre elles, et se succédant à une vitesse folle et dans un tapage épouvantable. Seul élément à signaler: la virtuosité des musiciens.

Un autre Américain termine le concert: John Adams, avec sa Chamber Symphony, où les effectifs réduits s'augmentent pourtant d'un puissant synthétiseur. Boudreau y prenait 25 minutes en 1998. Cette fois, c'est 23. Deux minutes de moins. Mais il y a un «plus». À bientôt 66 ans, Boudreau devient, dirait-on, un interprète expressif. On croit rêver. On ne rêve pas. Il a tiré du mouvement central, sorte de grand choral lent, à la Hindemith, une noblesse absente de son interprétation précédente. Mais personne ne peut modifier les deux mouvements extrêmes, où le fouillis est total (et voulu). Mention, toutefois, à l'étrange solo de violon de la fin.

SOCIÉTÉ DE MUSIQUE CONTEMPORAINE DU QUÉBEC. Ensemble de la SMCQ. Dir. Walter Boudreau. Solistes: Marie-Danielle Parent, soprano, et Joseph Petric, accordéoniste. Salle Pierre-Mercure, vendredi soir.

Programme: Heureux qui comme..., pour soprano et ensemble instrumental (1987) - Denis Gougeon For Your Eyes Only, pour ensemble instrumental (1989) - John Zorn En accordéon, pour accordéon et ensemble instrumental (2004) - Denis Gougeon Chamber Symphony, pour ensemble instrumental (1992) - John Adams