Allegra, ensemble local qui se spécialise dans les raretés et dont les effectifs varient selon les programmes, ouvrait sa 33e saison avec son concert-bénéfice annuel. Cette fois, une heure de musique, sans entracte, suivie d'une brillante réception, au Tanna-Schulich Hall de McGill.

Il y avait là quelque 100 personnes, dont chacune avait payé 100 $. Il y avait là, surtout, des oeuvres très rarement, sinon jamais, entendues: un mouvement, l'Andante, du Trio pour piano, violon et violoncelle op. 17 de Clara Schumann (qui, très exceptionnellement, avait été joué au complet lors d'un récent concert de musique de chambre de l'OSM), le rarissime Sextuor op. 55 pour piano, clarinette, violon, alto, violoncelle et contrebasse de Hans Pfitzner, et les Variations brillantes op. 12 pour piano de Chopin sur l'air pour soprano et choeur «Je vends des scapulaires» de l'opéra Ludovic de Ferdinand Hérold.

Dorothy Fieldman Fraiberg, la fondatrice d'Allegra et sa pianiste attitrée, figurait dans les deux premières pièces. L'Andante de Clara Schumann reçut l'équivalent d'une première lecture que sauva le violoncelle de Sheila Hannigan.

Les répétitions avaient manifestement porté sur le Pfitzner. C'est, datée de 1945, l'oeuvre d'un compositeur considéré par certains comme «le dernier romantique dans un monde devenu fou». On y compte cinq mouvements mais Allegra, sans le préciser, omit le troisième. L'exécution n'en totalisa pas moins 21 minutes. L'oeuvre est originale en ce qu'elle ménage plusieurs solos et duos de certains des instruments en présence. Le clarinettiste, par exemple, y a fort à faire. Le compositeur lui prescrit d'ailleurs d'alterner entre la clarinette en la et la clarinette en si bémol. Simon Aldrich, qui avait eu l'idée de ce Pfitzner, fut remarquable, tout comme le contrebassiste Reuven Rothman.

Allegra ajoutait une petite surprise à la soirée: la participation de Daniel Clarke Bouchard, ce très jeune pianiste de 13 ans dont on parle beaucoup en ce moment. Les Variations op. 12 ne sont pas ce que Chopin a laissé de plus marquant, mais elles présentent de réelles difficultés sur le plan pianistique, surtout pour un enfant de 13 ans. Le petit Bouchard a joué la pièce avec toutes les qualités d'un vrai pianiste, y compris une main gauche d'une force étonnante. Il a commis une toute petite erreur vite oubliée.

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ENSEMBLE ALLEGRA. Concert-bénéfice, mercredi soir, Tanna-Schulich Hall de l'Université McGill.