L'Orchestre Symphonique de Montréal ouvre sa 80e saison avec une oeuvre d'envergure, La Damnation de Faust, de Berlioz, qui occupe toute la soirée -- deux heures et demie, entracte compris -- et mobilise, en plus de l'orchestre complet, le Choeur de l'OSM et quatre voix solistes. Au total : plus de 200 personnes en scène.

Berlioz reprend ici la légende du vieux savant qui vend son âme au Diable en échange de plaisirs terrestres incarnés par Marguerite. L'oeuvre est habituellement donnée en version concert, comme dans le cas présent, parfois aussi en opéra (les versions Béjart et plus récemment Lepage).

L'OSM l'a montée dès 1943 et plusieurs fois par la suite, et l'a même enregistrée avec Dutoit. Il existe donc à l'OSM une sorte de tradition berliozienne que Kent Nagano perpétue honorablement. L'orchestre de la Damnation est extrêmement virtuose, coloré et brillant, tour à tour raffiné et écrasant, et l'OSM est tout cela à la fois. Les bois, notamment, traversent avec une incroyable précision leurs très longues séquences identiques.

S'y ajoute, un solide choeur mixte, aux voix féminines aériennes et aux voix masculines robustes. Les deux reprises (dimanche après-midi et mardi soir) devraient découvrir plus de nuance et plus de contraste encore, tant au choeur qu'à l'orchestre.

Hélas! les deux principaux solistes ne pourront, en quelques jours, devenir ce qu'ils ne sont pas. Michael Schade a passé l'âge du jeune Faust (rôle qu'il abordait déjà ici en 2002!) et Philippe Sly est précisément trop jeune pour le personnage de Méphistophélès (le Diable). Sly chante magnifiquement, mais sans le caractère et le mordant voulus. Si le timbre clair de Schade peut encore le servir à l'oratorio, l'image qu'il projette du juvénile héros romantique est lourde et ennuyeuse. Du reste, il ne quitte guère des yeux sa partition.

Le rôle de Marguerite est plus court : la petite ne paraît qu'après l'entracte. Anna Caterina Antonacci -- qui porte étonnamment bien ses 52 ans ! - possède une belle voix, à la couleur sombre de mezzo, mais elle ne chante pas toujours juste, elle manque de présence et son français est approximatif. Alexandre Sylvestre chante bien mais ne tire rien de la grotesque chanson de Brander.

Les surtitres (petits, en vert, sur fond noir) ne sont pas des plus faciles à suivre.

> La Damnation de Faust. Légende dramatique en quatre parties, texte de Gérard de Nerval, Almire Gandonnière et Hector Berlioz, d'après Goethe, musique de Hector Berlioz, op. 24  (1828-1846)

Orchestre Symphonique de Montréal, Choeur de l'OSM (dir. Andrew Megill), Michael Schade, ténor (Faust), Philippe Sly, baryton (Méphistophélès), Anna Caterina Antonacci, soprano (Marguerite), et Alexandre Sylvestre, basse (Brander). Chef d'orchestre : Kent Nagano.

Maison symphonique, Place des Arts, jeudi soir. Reprises : dimanche, 14 h 30, et mardi, 20 h.