Philippe Sly a tout pour lui: le talent, la voix, l'allure et la jeunesse. À 24 ans, il a remporté une foule de prix prestigieux, sa carrière internationale va déjà bon train et son agenda est rempli jusqu'en 2017. Il s'attaque cette semaine à un personnage mythique: Méphistophélès, dans La damnation de Faust d'Hector Berlioz, grand concert d'ouverture de la saison à l'OSM.

Depuis quelques années, les récompenses s'enchaînent pour le baryton-basse. La liste comprend, entre autres, le grand prix aux auditions du Metropolitan Opera National Council en 2011, la Révélation Radio-Canada 2012-2013 et le premier prix du Concours musical international de Montréal en 2012. L'an dernier, il a aussi remporté le prix Opus du Conseil québécois de la musique pour le concert de l'année dans la catégorie «musiques romantique, postromantique et impressionniste».

«Je suis chanceux, car j'ai déjà le choix du répertoire que je veux faire», dit-il. Cela me permet de choisir mon mode de vie. J'ai réalisé assez vite que la carrière de musicien était assez nomade et que je devrais trouver un équilibre là-dedans. J'ai maintenant une copine, ça m'aide à avoir une stabilité.»

Né à Ottawa, il est venu vivre à Montréal il y a plusieurs années pour étudier en chant à l'Université McGill. Et même s'il est tellement sollicité qu'il vit actuellement dans ses valises, c'est ici qu'il compte s'enraciner.

«Je n'ai pas de domicile en ce moment. Je me promène entre San Francisco, où je fais partie d'un programme pour jeunes artistes du San Francisco Opera, et La Tuque, où j'aide ma famille à restaurer un ancien presbytère, ainsi que les autres endroits où je donne des concerts. Mais en juin prochain, je reviens m'installer à Montréal avec mon frère. J'aurai toujours un pied-à-terre ici. C'est ma ville maintenant.»

Fils d'une mère québécoise originaire de la Mauricie et d'un père ontarien, Philippe Sly a grandi dans la capitale canadienne. Bien qu'il soit parfaitement bilingue, il considère le français comme sa langue maternelle et "émotionnelle". Enfant, il passait ses étés en famille, à La Tuque. Sa découverte de la musique remonte à l'époque où sa mère l'emmenait à des concerts au Centre national des arts d'Ottawa.

«J'étais un enfant hyperactif, je bougeais tout le temps. Un jour, nous sommes allés voir une opérette où chantaient des petits garçons. C'était la première fois que j'arrivais à écouter quelque chose sans bouger. J'ai dit à ma mère que je voulais faire comme eux. C'est comme ça que j'ai commencé, vers 7 ou 8 ans, à faire partie d'un choeur et à suivre des cours de chant.»

Faust

En 2011, il interprétait Pilate dans la Passion selon saint Jean de Jean-Sébastien Bach à l'OSM. C'est là que Kent Nagano l'a remarqué et lui a demandé s'il aimerait faire Méphistophélès.

«Je suis vraiment reconnaissant qu'il ait reconnu dans ma voix, à mon âge, le potentiel de tenir un rôle de cette ampleur. J'ai hâte de pouvoir incarner Méphisto, qui représente un mythe très important dans la culture. Il y a plusieurs incarnations de lui dans la musique: chez Gounod, Berlioz, Boito, ou encore Nick Shadow, dans The Rake's Progress, de Stravinski, que j'ai fait quand j'étudiais à McGill.»

Mais comment incarne-t-on le diable quand on a l'air d'un ange?

«J'ai écouté beaucoup d'enregistrements pour connaître l'historique des interprétations passées. Une de mes idoles est José van Dam, qui est reconnu pour ce rôle. J'ai aussi lu beaucoup de poésie de Goethe pour voir comment Berlioz s'en est inspiré. Le Méphisto de Berlioz a une grande confiance en ses moyens et son pouvoir de séduction. C'est un maître improvisateur. La musique de Berlioz est très changeante et Méphisto doit s'adapter.»

S'il apprécie les oeuvres orchestrales à grand déploiement et l'opéra, Philippe Sly affectionne également le répertoire plus intime, mélodies et lieder. Grâce à un contrat avec la maison Analekta, il a déjà enregistré deux disques. Le premier était consacré à Schumann, Ravel, Dove, et le second à Rameau, avec instruments anciens. Un troisième est en gestation et sera enregistré cet automne pour une sortie prévue au printemps prochain. Il sera dédié aux compositeurs anglais: Vaughan Williams, Holst et Ireland.

La damnation de Faust, 12 septembre, 20h, 15 septembre, 14h30, 17 septembre, 20 h, Maison symphonique.