Disparus comme par enchantement, les problèmes rencontrés vendredi à la soirée inaugurale de la Virée classique de l'OSM. Tout s'est déroulé normalement samedi, si l'on en juge par les concerts auxquels nous avons assisté et par les commentaires de ceux qui ont suivi le marathon de plus de 12 heures: pas de retard dans les concerts, pas de longues files d'attente aux portes des salles.

Selon les chiffres communiqués par l'OSM, plus de 20 000 personnes ont assisté aux 30 concerts et aux multiples activités complémentaires de la Virée 2013. Les salles étaient pleines, l'écoute était impressionnante. À son tour, et contre beaucoup de mauvaise foi, l'OSM fournit là une nouvelle preuve qu'il existe à Montréal un vaste public pour la musique classique.

Pour la journée de samedi, notre choix s'était porté sur quatre concerts. Tout d'abord, à 16 h 45, à la salle souterraine Beverley Webster Rolph du Musée d'art contemporain: le quatuor formé de cordistes de l'OSM, à savoir les violonistes Olivier Thouin et Marianne Dugal, l'altiste Rémi Pelletier (qui se joindra bientôt au Philharmonique de New York) et le violoncelliste Sylvain Murray.

Voici quatre instrumentistes de premier plan qui sont aussi de vrais musiciens, manifestement heureux de sortir de l'anonymat routinier de l'orchestre pour exprimer autre chose. Ils apportent toute la tension souhaitée au Quartettsatz D. 703 de Schubert (le plus connu des deux en do mineur) et traversent avec la cohésion et la sensibilité de chambristes aguerris le Quatuor K. 465 de Mozart (surnommé «des dissonances» en raison de son introduction quasi atonale). Quelle justesse chez tous, quel beau son de violoncelle chez Murray. Bref, on connaît des quatuors dits professionnels qui jouent moins bien!   

Le reste de la journée se déroulera à la Maison symphonique, où sont annoncés quatre concertos de Mozart en trois concerts.   

À 17 h 45, on apprend que l'autobus de Québec transportant les Violons du Roy est en difficulté et que leur soliste, le pianiste Alexandre Tharaud, jouera seul en les attendant. Le retard nous vaut une belle surprise. Cette fois, on comprend le pianiste de s'amener avec son cahier à musique! Il va jouer sa propre transcription de l'Adagietto de la cinquième Symphonie de Mahler. Musicien étonnant, Tharaud signe ici un arrangement extrêmement touffu où les pleines résonances du piano suggèrent à s'y méprendre les cordes et la harpe du morceau original. Et il multiplie les ritardandos à n'en plus finir, comme l'autorise Mahler.   

Le petit orchestre et son chef Bernard Labadie arrivent ensuite. On élimine, bien sûr, l'ouverture de Haydn. M. Tharaud a choisi le Concerto K. 271, surnommé «Jeunehomme» parce qu'il est associé, non pas à un jeune homme (!), mais à une pianiste qui s'appelait Mademoiselle Jeunehomme. Très expressif au mouvement lent, M. Tharaud prend le Rondo final un peu vite pour ses moyens et vient bien près de trébucher à deux reprises. Mais il ne trébuche pas. Un «couac» des cors ne le dérange pas non plus.   

À 19 h 30, Kent Nagano et l'OSM prennent place pour les trois autres concertos. Nagano tire des Hébrides de Mendelssohn quelques beaux échos de plein air. «La grande dame du piano» (pour citer le programme) paraît ensuite: Angela Hewitt, en robe étincelante, pour le Concerto K. 482, sans doute le plus long et le plus fascinant du catalogue mozartien. Des décalages entre piano et orchestre indiquent que les répétitions ont été insuffisantes ou que la fatigue commence à gagner les musiciens. Mme Hewitt joue les cadences (toutes anonymes) avec une grande facilité et ornemente beaucoup au passage. Ce sont les seuls éléments à retenir d'une exécution plutôt terne.   

Exceptionnellement, le concert final, à 21 h 30, s'étend à un peu plus d'une heure. On aurait pu omettre l'ouverture du Barbier de Séville. Le Concerto K. 218 met en scène Hyeyoon Park, une autre de ces innombrables violonistes asiatiques qui jouent juste et avec musicalité. Mais on est surtout venu pour retrouver, cette fois face à face dans le Concerto pour deux pianos K. 365, le vétéran Menahem Pressler et le débutant Kit Armstrong, lequel pourrait être, à 21 ans, l'arrière-petit-fils du légendaire quasi-nonagénaire.   

L'énorme différence d'âge n'est évidente que dans quelques passages du finale où Pressler, au premier piano, peine un peu, en plus de tourner lui-même ses pages. L'ensemble est admirable de clarté, de synchronisation et d'expression. Nagano et l'orchestre respirent avec eux à chaque instant et tous reçoivent l'une de ces ovations dont on reparlera sans doute un jour.