Cette année encore, les stagiaires de l'Institut canadien d'art vocal montaient un opéra, guidés par ces habitués de la maison que sont le metteur en scène Joshua Major et le chef d'orchestre Paul Nadler, tous deux des États-Unis.

Pour ce 10e stage, on avait choisi L'Enfant et les Sortilèges, la célèbre fantaisie lyrique de Ravel sur un texte de Colette, et on était descendu de la salle Claude-Champagne vers le centre-ville, salle Bourgie, mais sans y attirer l'auditoire escompté. Bon nombre des 444 sièges étaient en effet inoccupés.

Complété avec un autre Ravel, les trois Chansons madécasses, et la cantate profane Le Bal masqué de Poulenc, le programme n'était pas, il faut bien l'admettre, des plus attrayants. Surtout à cause du petit opéra de Ravel, qui a été donné ici trois fois au cours des dernières années: à McGill et à l'OSM la même année, 2007, et au Conservatoire en 2009. Pourquoi toujours revenir à cette oeuvre, alors qu'il y en a tant d'autres qu'on n'entend jamais?

L'exiguïté du plateau et l'absence d'un équipement de théâtre - il s'agit d'une salle faite pour le concert -, s'ajoutant à des moyens financiers limités: autant de facteurs qui commandaient une stylisation à l'extrême. On se dit qu'il eût été si simple de choisir autre chose.

Quand même, dans les circonstances, le résultat fut très honorable, et d'autant plus que cette pièce éminemment représentative de l'esprit français reposait entre les mains d'un metteur en scène qui ne parle pas le français et de 21 jeunes dont la majorité ne sont pas francophones.

En quelques mots, L'Enfant et les Sortilèges raconte l'histoire d'un petit garçon que sa mère a puni de sa paresse et qui est harcelé par les animaux et les objets sur lesquels il s'est vengé de sa punition. Privé de décors et de costumes (sauf quelques rares exceptions) mais multipliant les pirouettes et poussant l'action scénique au maximum, le metteur en scène a réussi à donner une dimension assez vraisemblable à ce sujet qui requiert habituellement un important déploiement.

Toutes les voix étaient bonnes, notamment celles qui formaient un petit ensemble choral. Même si le français était souvent incompréhensible, il faut souligner l'effort de ces jeunes, qui avaient entièrement mémorisé le texte, et la virtuosité avec laquelle ils l'ont rendu, se partageant une cinquantaine de petits rôles. La jeune mezzo américaine Carin Gilfry - qui, elle non plus, ne parle pas un mot de français et avait tout appris au son! - possède une belle voix, joue bien et parvint à se faire comprendre une bonne partie du temps.

En première partie, les mezzos Malena Dayen (au grave très sonore) et Aidan Ferguson (plutôt soprano, en fait) se sont partagé les Chansons madécasses - c'est-à-dire «de Madagascar» - et les ont rendues avec intensité et dans un français soigné.

Philip Kalmanovitch, comédien autant que baryton, défendait ensuite l'insupportable Bal masqué de Poulenc et y montra beaucoup de métier.

Debout au premier rang, devant la scène, Paul Nadler dirigea en grand professionnel un ensemble instrumental en tous points excellent.

SPECTACLE RAVEL-POULENC. Jeudi soir, salle Bourgie du Musée des beaux-arts. Dans le cadre du 10e stage de l'Institut canadien d'art vocal.