En raison du niveau de sensibilité auquel ils s'adressent, Haydn et Beethoven sont certainement des créateurs plus importants que Tchaïkovsky. Il existe pourtant des choses passablement ennuyeuses qui portent la signature de Haydn et de Beethoven et d'autres magistrales et irrésistibles signées Tchaïkovsky. Le programme offert par le Wiener Klaviertrio vendredi soir à Orford a permis de faire ce double constat.

De son programme original, le groupe viennois n'a retenu que le Trio de Tchaïkovsky, placé après l'entracte. Il devait jouer le Trio de Charles Ives mais l'a remplacé par un Haydn, et il a remplacé le Beethoven annoncé par un autre Beethoven.   

Nous nous sommes donc retrouvés avec, en première partie, un autre des quelque 45 trios de Haydn et l'un des trios de Beethoven les moins joués. Cette première moitié de concert fut une totale déception. Jouées avec toutes les reprises sans exception, les deux pièces sont tout ce qu'il y a de plus ordinaire et, pis encore, ces lectures furent complètement gâtées par un violoniste qui articulait à moitié et jouait faux. Une honte. De jeunes stagiaires d'Orford auraient fait mieux.   

Que s'est-il passé à l'entracte? Le fautif fut-il réprimandé par le patron? Chose certaine, le Tchaïkovsky le découvrit dans une forme tout au moins écoutable, malgré une tendance à retomber ici et là dans ses irrégularités d'avant-entracte. Curieusement, les fautes les plus flagrantes vinrent cette fois du patron, c'est-à-dire du pianiste. Il faut dire que la lourde partition de quelque 50 minutes repose presque entièrement sur ses épaules. Un mot sur le violoncelliste: sans être exceptionnel, il eut quelques beaux moments.   

Joué dans son absolue intégralité (et donc sans les coupures autorisées par le compositeur), l'unique Trio de Tchaïkovsky comporte une série de variations dont la huitième est une fugue très longue et très touffue où le jeu collectif devint quelque peu confus. Peu importe. Le Tchaïkovsky fut captivant et sauva le concert. Bien que l'on soit conscient que ce n'est pas là leur musique, les Viennois lui ont donné une dimension à la fois héroïque et quasi orchestrale.   

Rappelons que le Wiener Klaviertrio - ou Trio viennois avec piano - fut créé en 1988 par le pianiste Stefan Mendl, le violoniste Wolfgang Redik et le violoncelliste Marcus Trefny. Mendl est le seul toujours au poste. Trefny fut remplacé par Matthias Gredler en 2001. L'an dernier, Redik fut remplacé par Bogdan Bozovic, entreprit une carrière de chef-violoniste et vint à l'OSM à ce titre.   

La formation originale fit ses débuts ici en 1995 dans le Triple Concerto de Beethoven à l'Orchestre Métropolitain dirigé par Timothy Vernon. Il joua ensuite deux fois à Lanaudière, en 1996 et 1997. Cette même année 1997, il débuta au LMMC et y revint quatre fois, jusqu'en 2005.

WIENER KLAVIERTRIO - Stefan Mendl (piano), Bogdan Bozovic (violon) et Matthias Gredler (violoncelle). Vendredi soir, salle Gilles-Lefebvre du Centre d'arts Orford.

Programme:

Trio no 43, en do majeur, Hob. XV:27 (1796) - Haydn

Trio no 5, en mi bémol majeur, op. 70 no 2 (1808) - Beethoven

Trio en la mineur, op. 50 (1882) - Tchaïkovsky