À l'entracte, la salle s'est vidée de moitié. Ceux qui étaient restés se sont levés d'un coup pour faire aux interprètes une ovation pleinement méritée qui redoubla lorsqu'apparut Matthias Maute, l'initiateur du projet.

Le projet, fort ambitieux, consistait à compléter et monter en première ici, en version concert assortie d'éléments scéniques, l'opéra de Vivaldi en partie perdu et ayant pour cadre la défaite de l'empereur aztèque Motezuma aux mains du conquérant espagnol Fernando Cortés.   

À tous égards, la réalisation fut de taille. Mais il faut se demander pourquoi la moitié des 400 personnes présentes ne sont pas revenues après l'entracte. À leur retour en scène, les pauvres interprètes se sont retrouvés devant des rangées complètes de sièges vides!   

Première explication: la réverbération excessive du nouveau théâtre St-James, dans le Vieux-Montréal. Nous avons vérifié à la porte l'orthographe exacte: c'est bien St-James. En souvenir, sans doute, de l'époque victorienne où la rue Saint-Jacques portait aussi un nom anglais. Le nouveau théâtre a été aménagé dans une ancienne banque construite en 1909, au 265, rue Saint-Jacques. C'est là qu'ont lieu ce week-end tous les événements de cette 11e saison de Montréal Baroque. La direction de MB a d'ailleurs précisé que ce concert marquait l'inauguration officielle du nouveau théâtre.   

Pour la présente saison de MB, le choix est donc fait. Sur la foi de ce que nous avons entendu - ou essayé d'entendre! - vendredi soir, force est de conclure qu'il serait infiniment regrettable que le festival animé par Susie Napper s'y installe en permanence. Même si l'oreille finit par s'adapter jusqu'à un certain point à cette réverbération qui déforme tout et brouille les lignes, le danger est toujours là. C'est-à-dire qu'il faudra recommencer l'exercice à chaque concert. Dommage, car le lieu est grandiose. Il est simplement trop considérable en hauteur.   

En accord avec le thème «Nouveaux Mondes» de Montréal Baroque cette année, l'opéra «mexicain» de Vivaldi était donc un choix intéressant. Le baroque fait généralement salle comble dans cette ville et, cette fois encore, on affichait «complet». Deux heures plus tard, il fallait parler de demi-salle. Que s'est-il passé?   

À la réverbération s'ajoutait un autre problème: l'abracadabrant scénario où l'on perdait vite intérêt. Cortés capture Motezuma puis est capturé à son tour, le tout en contrepoint avec une histoire d'amour entre le frère du conquérant, Ramiro, rôle chanté par une femme, et la fille de l'empereur, Teutile, sans oublier les interventions parfois équivoques de l'épouse de l'empereur, Mitrena, et du général mexicain Asprano, également chanté par une femme.   

La brochure vendue à la porte contenait une double traduction du texte chanté, mais il fallait suivre celui-ci avec une lampe de poche. On avait aussi engagé un narrateur mais, dans la bonne tradition St-James, le narrateur ne parlait qu'anglais. Autant de choses qui, de toute évidence, déplurent.   

Concernant le travail de reconstitution réalisé par Matthias Maute, on peut parler de réussite. Maute ne précise pas où il est intervenu et bien malin qui le dira: toute la musique entendue là, vocale et instrumentale, sonne comme du Vivaldi, y compris les parties chantées, qui poussent les voix à leurs limites sur les plans de la virtuosité et parfois même de la tessiture.   

Les six chanteurs en présence, dont trois de l'Atelier lyrique de l'Opéra de Montréal, étaient d'un haut niveau et, précision à faire, chantaient tous de mémoire. La réverbération n'empêchait pas d'apprécier les réelles qualités vocales de Tomislav Lavoie (rôle-titre), Jean-Michel Richer (Cortés), Marion Newman (Mitrena), Emma Char (Ramiro) et Florie Valiquette (Teutile). Il se peut que la mauvaise acoustique ait souligné le timbre très pointu de Suzanne Rigden (Asprano). Tous eurent le mérite additionnel de chanter avec expression, émotion même, tout en respectant la consigne baroque de la voix «droite».   

Les petites Char et Rigden suggéraient, par le costume et le geste, leurs personnages masculins. Maute a dirigé avec énergie son Ensemble Caprice d'instruments dits «d'époque», lequel fut généralement à la hauteur. Le narrateur Brett Watson articule bien mais sa personnalité le rapproche davantage des humoristes de la télévision américaine.   

Totalisant trois heures (entracte compris), le concert était assorti de mouvements, d'éclairages et de gigantesques projections.   

MOTEZUMA, opéra en trois actes, livret de Girolamo Alvise Giusti, musique d'Antonio Vivaldi, R. 723 (1733). Reconstitution partielle: Matthias Maute. Version concert. Vendredi soir, théâtre St-James. Dans le cadre de Montréal Baroque.