Sans lien avec les conflits Québec-Ottawa, qu'ils soient d'ordre politique ou même... sportif, l'événement fut une brillante réussite et Yannick Nézet-Séguin, son maître d'oeuvre. Dans une Maison symphonique presque comble, l'Orchestre Métropolitain et l'Orchestre du Centre national des Arts, d'Ottawa, réunissaient leurs forces pour un ambitieux programme consacré à ce géant de l'orchestre et de l'orchestration qu'est Richard Strauss.

L'OM, qui couronnait là sa 32e saison, avait d'abord annoncé 120 musiciens au total. Dans son mot de bienvenue, au micro, Nézet-Séguin parla de 125. Et le programme imprimé en énumérait 135, soit 58 de l'OM et 77 du CNA. Quoi qu'il en soit, ils étaient si nombreux qu'ils remplissaient complètement la scène avec leurs instruments.

Les musiciens des deux orchestres se confondaient dans une même énorme phalange. Le violon-solo était tenu par la titulaire de l'OM en première partie et par son pendant du CNA après l'entracte. Les deux étincelants tubas, à droite, étaient celui de l'OM et celui du CNA. Au fond, les 10 contrebasses représentaient presque également les deux orchestres : quatre OM, six CNA.

Il n'était pas toujours facile cependant de savoir qui jouait certains solos, comme le cor-anglais et le trombone. Peu importe : les deux orchestres sonnaient avec une parfaite homogénéité, comme une immense formation autonome.

Le programme comprenait, en première partie, des suites de concert de deux opéras de Strauss dont l'un est rarement donné, Die Frau ohne Schatten, alors que l'autre est le célèbre Der Rosenkavalier. Dans le premier cas : une «fantaisie symphonique» que Strauss lui-même signa en 1946. Dans le second : une «suite symphonique» que le chef d'orchestre Artur Rodzinski prépara avec l'accord du compositeur. L'après-entracte était monopolisé par le poème symphonique Also sprach Zarathustra.

Le concert totalisa deux heures exactement. Si l'on retire les 10 minutes d'allocutions et les 20 minutes d'entracte, il reste quand même une heure et demie de Strauss. C'est beaucoup...ou plutôt, c'est énorme. Mais Nézet-Séguin nage dans cette musique avec une telle volupté et il entraîne avec lui musiciens et auditeurs avec un tel enthousiasme que personne ne peut résister.

On a le droit de ne pas aimer passionnément cette musique, on a même le droit de la trouver tapageuse, boursouflée, parfois un peu vulgaire et vide. Dans le genre gigantisme musical, il faut bien reconnaître que Mahler a beaucoup plus à dire. Mais Strauss est Strauss et Nézet-Séguin l'a fait sonner dans toute sa puissance herculéenne, sa violence aussi, tout en s'attardant amoureusement à ses aspects charmants, tendres et séduisants.

ORCHESTRE MÉTROPOLITAIN et ORCHESTRE DU CENTRE NATIONAL DES ARTS. Chef d'orchestre : Yannick Nézet-Séguin. Vendredi soir, Maison symphonique, Place des Arts.

Programme consacré à Richard Strauss :

Fantaisie symphonique sur l'opéra Die Frau ohne Schatten, op. 65 (1919/1946)

Suite symphonique de l'opéra Der Rosenkavalier, op. 59 (1911/1944)

Also sprach Zarathustra, poème symphonique, op. 30 (1896)