Après avoir mené à bien l'ouverture de la Maison symphonique, l'OSM et Kent Nagano entendent renouer «férocement» avec le marché international. En commençant par une tournée sud-américaine qui se mettra en branle mardi à São Paulo.

L'OSM n'a pas joué en Amérique du Sud depuis 1998, après une première visite avec Charles Dutoit en 1991. Kent Nagano, lui, s'y est rendu trois fois, mais jamais à la tête de son propre orchestre. Toutefois, en 2013, le contexte n'est plus le même: l'Amérique du Sud est désormais considérée comme un eldorado pour les grands orchestres qui s'y précipitent.

«Le monde change à une vitesse étonnante, constate Kent Nagano. La dynamique économique du Brésil s'est développée au cours des 15 dernières années et on va bientôt y accueillir les Jeux olympiques et la Coupe du monde [de soccer]. En Argentine, on a terminé la restauration du grand Teatro Colón, il y a deux ans à peine. L'Uruguay est un pays émergent sur le plan de la culture, riche d'une tradition de guitare et de musique classique nourrie par ses liens avec la France, l'Espagne et l'Allemagne. Et la Colombie aussi connaît un essor remarquable. C'est un moment formidable pour retourner en Amérique du Sud.»

Un an et demi après l'ouverture de la Maison symphonique, l'OSM est prêt à repartir à la conquête du monde, affirme son chef: «Maintenant, on va faire des tournées et des disques de façon intensive. On retourne presque férocement sur le marché international. On a une vision, un plan. On sait déjà où on va faire une tournée l'an prochain et l'année suivante, mais on ne peut le dire.»

Moins touchés par la crise

L'essor économique a eu des retombées sur la musique classique au Brésil, mais pas autant qu'on le croit, estime Gérald Perret, producteur d'origine suisse établi à São Paulo depuis 40 ans, qui y accueillera l'OSM mardi et mercredi. L'éducation musicale dans les écoles brésiliennes n'est redevenue obligatoire que cette année, précise-t-il, et le gouvernement a d'ailleurs fait appel aux services du professeur Abreu qui a implanté le fameux Sistema au Venezuela. «Sans éducation musicale, il n'y a pas d'intérêt pour la musique classique, donc pas de public», constate M. Perret.

Le Brésil, ajoute-t-il, est un pays musical, mais une musique principalement folklorique ou populaire: «Le compositeur Villa-Lobos a fait un énorme travail pendant plusieurs décennies pour développer des ensembles choraux, mais aujourd'hui, tout est à refaire. Bien sûr, grâce au développement économique, de nouvelles salles se construisent et on achète de nouveaux pianos parce qu'il y a plus de richesse à dépenser.»

Si les orchestres de l'hémisphère Nord y affluent, c'est surtout que, comme l'Asie, l'Amérique latine est moins touchée par la crise économique.

«Autrefois, c'est nous qui invitions les orchestres, qui insistions, mais aujourd'hui, c'est le contraire: l'offre des orchestres étrangers est beaucoup plus forte qu'il y a 15 ans, constate M. Perret. Mes amis en Europe et même aux États-Unis me disent que c'est plus difficile pour eux de tourner et de trouver des concerts: les cachets baissent et il y a beaucoup d'annulations. Alors ils se tournent vers nous, mais on n'est pas un grand marché capable d'absorber tout ce qu'on nous offre.

«N'empêche, l'Amérique latine est en croissance. Traditionnellement, les tournées d'orchestres passaient par Rio, São Paulo, Buenos Aires, Montevideo et Santiago, mais aujourd'hui, Bogota et Lima ont de nouveaux théâtres. Il y avait aussi des problèmes de sécurité qui se sont améliorés et les artistes osent davantage aller là-bas qu'il y a 10 ans.»

L'essor colombien

M. Ramon Osorio, qui a invité l'OSM à se produire pour la première fois en Colombie, renchérit: «Oui, c'est vrai que le pays a changé, surtout en ce qui concerne la sécurité. En plus, notre théâtre organise très bien ses concerts», précise le directeur du nouveau Teatro Mayor, également cofondateur du Festival de théâtre ibéro-américain (1988) et l'un des artisans d'un festival de musique né le mois dernier.

«Ici, le climat économique est très favorable et cela se reflète dans l'intérêt du public. Moins de trois ans après son ouverture, on a déjà accueilli 400 000 spectateurs au théâtre. Bogota compte deux orchestres importants: le Philharmonique de Bogota et l'Orchestre national de Colombie. Et depuis 30 ans, de nouvelles écoles de musique se multiplient en ville. Au Teatro Mayor, on fait un effort très important pour attirer des orchestres internationaux à Bogota. Cette année, en plus de l'OSM, on reçoit l'Orchestre philharmonique de Hongrie, l'Orchestre symphonique de Rotterdam, l'Orchestre symphonique d'État du Mexique sous la direction d'Enrique Batiz ainsi que l'Orchestre philharmonique d'Israël avec Zubin Mehta.»

Quelles sont les attentes envers l'OSM en 2013?

«Nous savons que l'OSM est l'un des plus grands orchestres en Amérique, et sa venue contribue à élargir nos horizons, à éduquer notre public et à l'inciter à fréquenter notre théâtre», dit le directeur du Teatro Mayor de Bogota.

«Difficile à dire, répond le producteur de São Paulo. On vient de recevoir (le chef vénézuélien) Gustavo Dudamel, qui était évidemment très attendu. Maître Nagano n'est venu ici qu'une seule fois à ce que je sache, mais je pense qu'il est peut-être un peu plus attendu que l'orchestre, qu'on n'a pas revu depuis 1991.»