Deux grosses pièces composent la soirée: le troisième Concerto pour piano de Beethoven, que Till Fellner traverse en 35 minutes, et la sixième Symphonie de Bruckner, que Nagano fait en 56 minutes. Ce troisième Concerto n'a pas la dimension du quatrième, par exemple, et cette sixième Symphonie est certainement la moins intéressante du corpus brucknérien. Ce sont quand même deux oeuvres d'envergure qu'on écoute là, surtout qu'elles sont présentées dans des conditions pour ainsi dire idéales. (Une équipe de télévision européenne est là, mais dérange peu.)

Devenu, semble-t-il, un habitué de l'OSM, Till Fellner possède au piano une tenue exemplaire à laquelle correspond un jeu d'une clarté immaculée et d'une musicalité absolue. Le début du mouvement lent, où le piano est seul à se faire entendre, entraîne la salle comble et silencieuse à une profondeur insondable. Tout le mouvement est empreint du même climat, que rompt le pianiste en enchaînant instantanément un Rondo presque moqueur. Il a choisi les cadences de Beethoven. Nagano et l'orchestre l'encadrent avec le plus grand soin.

Après l'entracte, Nagano s'engage dans Bruckner avec l'énergique autorité d'un spécialiste de cette musique et, secondé par un orchestre qui lui répond bien, offre une interprétation convaincante d'une oeuvre pourtant difficile à faire passer. Les imperfections sont toujours là, dans la structure, les thèmes et les développements, mais Nagano parvient à réaliser une belle synthèse de l'ensemble et tire le maximum de ce que lui offre la partition: les grands crescendos, l'atmosphère de paix qui habite l'Adagio, les amusantes interventions des cors au Scherzo, les longues et répétitives séquences fortissimo à la puissance tout à fait irrésistible.

En début de concert: l'ouverture de Guillaume Tell, certes la plus originale des ouvertures de Rossini. Nagano la fait sonner magistralement et invite ensuite à se lever les premiers-pupitres qui s'y sont distingués, principalement le violoncelle-solo Manker.

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ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef d'orchestre: Kent Nagano. Soliste: Till Fellner, pianiste. Mardi soir, Maison symphonique, Place des Arts; reprise mercredi, 20 h. Séries «Grands Concerts».

Programme:

Ouverture de l'opéra Guillaume Tell (1829) - Rossini

Concerto pour piano et orchestre no 3, en do mineur, op. 37 (1803) - Beethoven

Symphonie no 6, en la majeur (1879-1881) - Bruckner (édition Leopold Nowak, 1952)