L'abracadabrant scénario de La Flûte enchantée - ou mieux: Die Zauberflöte car cet opéra de Mozart est en allemand - se prête aux traitements les plus divers et les plus loufoques. Membres d'une loge maçonnique, Mozart et son librettiste Schikaneder placent ici une séance d'«initiation» dans un cadre d'opérette.

La production de l'Atelier d'opéra McGill adopte ce ton léger, dans une stylisation toujours justifiée. En plus du tonnerre et des éclairs, toutes sortes d'images - le monstre qui attaque Tamino au tout début de l'opéra, ou encore des sapins couverts de neige (!) - sont projetées sur un grand écran dominant l'orchestre placé sur scène au milieu de six grands panneaux lumineux. Ajoutons une multitude de costumes, tous imaginatifs et très beaux, dans les tons de brun, avec lesquels contraste le blanc éclatant de la Reine de la nuit et de ses Trois Dames. De bons points, aussi, pour les maquillages.

L'action se déroule autant dans la salle que sur la scène. Les acteurs sortent de partout, montent et descendent l'allée centrale, traversent des rangées de spectateurs comme des retardataires. Vous sentez une présence derrière vous: c'est un groupe de choristes qui attend le signal du chef pour clamer son intervention.

Comme toujours, on a préparé deux distributions, mais d'une façon moins systématique qu'à l'accoutumée car, des 18 rôles, 11 sont tenus par le ou la même interprète les deux soirs. Comme il s'agit d'un exercice pédagogique, un même chanteur distribué un soir dans un premier rôle est relégué à un rôle mineur à l'autre représentation.

Gagnant du Concours OSM en  2011, Gordon Bintner chante l'Orateur avec la voix et l'autorité d'un artiste de carrière. Chez les autres, tous débutants, trois sujets à signaler: Rebecca Woodmass, redoutable Reine de la nuit vocalisant avec agilité, David Tinervia, Papageno d'une belle couleur vocale, et Lee Clapp, très convaincant en perfide Monostatos. Mention à la coordination vocale et gestuelle des Trois Dames.

Sara Ptak en Pamina possède un joli talent dramatique, sait phraser, mais force sa voix. Kevin Myers est un Tamino noble mais au timbre nasillard. Le Sarastro de Brian Prinzen possède les notes graves du personnage mais détonne un peu et manque de prestance.

Boris Brott et son Orchestre de chambre McGill - augmenté à 32 musiciens mais n'étant pas attaché à l'institution dont il a adopté le nom - apportent un solide concours au spectacle. Impeccables solos de la flûtiste Jocelyne Roy et choeurs très agissants.

__________________________________________________________________________

DIE ZAUBERFLÖTE, opéra en deux actes, livret d'Emanuel Schikaneder, musique de Wolfgang Amadeus Mozart, K. 620 (1791). Atelier d'opéra de l'Université McGill et Orchestre de chambre McGill. Mise en scène: Patrick Hansen. Décors: Vincent Lefèvre. Costumes: Ginette Grenier. Maquillages: Florence Cornet. Éclairages: Serge Filiatrault. Direction musicale: Boris Brott. Avec surtitres français et anglais. Pollack Hall de McGill. Première hier soir; reprise demain soir, 19 h 30.