Deux mois après son triomphe critique et populaire au Carnegie Hall avec l'Orchestre de Philadelphie, Yannick Nézet-Séguin est de retour à New York où il dirige sa toute première Traviata. La Presse était à la première.

Rencontré jeudi après-midi, quelques heures à peine avant de diriger sa toute première Traviata au Met, Yannick Nézet-Séguin n'avait pas de papillons dans le ventre. Au contraire, assis devant un expresso bien serré, le chef d'orchestre pensait plutôt aux cadeaux qu'il s'en allait acheter à son équipe et à la distribution de cet opéra.

«C'est une vieille tradition que d'offrir des cadeaux les soirs de première. Ce n'est pas tout le monde qui la suit, mais moi j'aime bien. Surtout que cette fois-ci, j'ai eu des chanteurs et une équipe assez extraordinaires», précise le chef avec un large sourire.

Bien que cette version de La Traviata soit techniquement une reprise (elle a d'abord été présentée en 2005 en Autriche avant d'être incorporée dans le programme du Met à la fin de 2010), la soirée de jeudi avait tout de même des airs de première.

Enthousiaste

Outre Yannick Nézet-Séguin qui dirigeait pour la première fois cet opéra de Verdi, la soprano Diana Damrau y faisait ses premiers pas dans le rôle mythique de Violetta Valéry, tandis que la méga-star Plácido Domingo, connue pour son interprétation du jeune ténor Alfredo dans La Traviata, y faisait ses débuts dans le rôle du père de ce dernier.

Après deux petites semaines de répétitions, le chef d'orchestre québécois était particulièrement enthousiaste en évoquant sa relation avec Diana Damrau.

«C'est sa toute première Violetta. C'est toujours un moment très émouvant dans la carrière d'une chanteuse, parce que c'est le rôle des rôles, depuis Callas, depuis Tebaldi. Je suis chanceux de pouvoir l'accompagner, de pouvoir la guider, confie-t-il. J'ai l'impression qu'il faut qu'un chef trouve sa Violetta et, moi, j'ai trouvé ma Violetta.»

Quelques heures plus tard, on comprendra son enthousiasme à la tombée du rideau. Ce dernier n'avait pas touché le sol que les spectateurs étaient debout pour ovationner la soprano qui, visiblement ravie, s'est même mise à sautiller de joie sur scène.

Dure critique pour Domingo

Également plébiscité par le public, Plácido Domingo a toutefois moins séduit les critiques. Admiré pour ses performances dans le rôle d'Alfredo (qu'il a joué au Met dès les années 70), le chanteur de 72 ans a moins convaincu dans le rôle du baryton Germont. S'il possède une impressionnante présence sur scène, il a parfois peiné dans les passages les plus graves de son rôle.

«La voix de Plácido Domingo est un miracle [...], mais ceci étant dit, il n'a pas d'affaire à chanter le père Germont. Sa performance jeudi avait l'air d'une première lecture», a durement écrit un critique de Classical Review.

Dépouillement

Comme la mise en scène de Parsifal par François Girard ou du Ring par Robert Lepage, cette version de La Traviata mise en scène par l'Allemand Willy Decker est extrêmement dépouillée. L'histoire de Violetta qui renonce à sa vie de «courtisane» pour Alfredo se déroule dans un univers contemporain. Minimaliste, le décor est dominé par une horloge géante rappelant tout à la fois la rage de vivre de Violetta et sa mort annoncée.

Contrairement à bien des chefs d'orchestre qui pestent devant les mises en scène contemporaines que promeut le Met depuis quelques années, Yannick Nézet-Séguin se prête à l'exercice de bonne grâce. «J'ai parfois de mes collègues qui arrivent sur le podium tout en détestant ce qu'ils ont en face d'eux. Ce n'est pas possible, on ne peut pas faire ça», dit-il.

S'il ne pense pas que ce sont tous les opéras qui se prêtent à un lifting contemporain, le chef d'orchestre québécois croit que le Met traverse une période particulièrement intéressante en tentant de moderniser son répertoire, même si cela vient avec son lot d'erreurs.

Dans le cas de La Traviata, il applaudit notamment le nouvel éclairage apporté au rôle de Violetta par Willy Decker.

«C'est sûr qu'un point de vue, par définition, cela n'englobe pas tout, donc cela n'emporte pas tous les suffrages. Cela n'emporte pas tous les miens non plus. Mais j'admire cette production. J'aime ce que cela apporte au rôle de Violetta. J'aime l'aspect de cette course contre le temps, de cette femme qui aime la vie et qui ne veut pas qu'elle s'arrête. Cela rejoint l'essence de La dame aux camélias», conclut le chef en faisant référence au livre qui a inspiré Verdi.

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La Traviata est présentée au Met jusqu'au 6 avril.