Le baryton québécois Étienne Dupuis a beau avoir tenu des rôles importants dans les grandes maisons d'opéra de Paris, Berlin ou Marseille, celui du condamné à mort Joseph De Rocher, qu'il s'apprête à prendre dans Dead Man Walking à l'Opéra de Montréal, est le plus exigeant de sa carrière.

«C'est le plus gros rôle qu'on m'ait offert, dit-il. L'investissement physique, psychologique, émotif, musical et personnel est énorme. Avec une distribution toute canadienne, ça aurait été facile de prendre un chanteur dont la première langue est l'anglais. Mais je pense que, si on me l'a offert, c'est parce qu'on savait que j'allais m'y investir entièrement.»

Il ne se trompe pas. L'an dernier, à l'occasion du dévoilement de la saison, La Presse avait demandé à Michel Beaulac, directeur artistique de l'OdM, pourquoi il avait choisi de présenter Dead Man Walking. Sa réponse? Étienne Dupuis!

«La tendance chez les compositeurs d'aujourd'hui est d'éviter à tout prix de ressembler à ce qui s'est fait avant, et ça devient difficile à écouter pour le commun des mortels, dit le chanteur. Ce que j'aime justement de Dead Man Walking, c'est que le compositeur Jake Heggie se laisse influencer par ce qui s'est fait avant: Britten, Gershwin, Puccini, le jazz, le bluegrass, la comédie musicale. C'est un langage qui nous atteint plus facilement. Il y a un respect de l'auditeur. C'est beau, c'est efficace, et je dirais que, s'il y a un seul spectacle que je voudrais absolument voir dans ma vie, c'est celui-là!»

À ses côtés, on retrouvera notamment les Canadiennes Allyson McHardy, Kimberly Barber et Chantal Nurse, dans une nouvelle production mise en scène par Alain Gauthier.

L'évolution d'un musicien

À 4 ans, le jeune Étienne jouait déjà des airs à un doigt sur le piano familial, à Repentigny.

«Ma mère était toute contente d'avoir un musicien potentiel dans la famille, et m'a amené voir un professeur de piano. Par la suite, on a découvert que j'avais l'oreille absolue.»

Au cégep Saint-Laurent, il a étudié en piano jazz avec Lorraine Desmarais. Dans la même classe que lui se trouvait une véritable tribu de surdouées: Catherine Major, Marie-Pierre Arthur et Ariane Moffatt. Mais le piano jazz n'était pas vraiment la tasse de thé du jeune chanteur.

«J'ai décidé de suivre des cours de chant classique et je suis tombé amoureux du jeu dramatique, dit-il. Ça m'allumait d'être complètement investi dans un personnage, et ça m'allume encore autant.»

Après le cégep, il a étudié quatre ans à l'université McGill, puis il a passé trois ans à l'Atelier lyrique de l'Opéra de Montréal. «Tout de suite après ma sortie de l'Atelier, j'ai commencé à avoir des rôles. La première année, j'ai été embauché à Vancouver, Québec et Tel-Aviv.»

À Montréal, on l'a vu, entre autres, en Johnny Rockfort dans Starmania, en Silvio dans Pagliacci, en Marcello dans La Bohème et en Valentin, dans Faust, l'an dernier.

Il y a trois ans, sa carrière internationale a pris son envol. Le Figaro du Barbier de Séville, de Rossini, est l'un de ses rôles phares. Il l'a chanté plusieurs fois en France et à Berlin, au prestigieux Deutsche Oper. La réception du public a été formidable.

«Le directeur du Deutsche Oper aime tellement mon Figaro qu'il a prévu ses prochains Barbier de Séville en fonction de mes disponibilités. J'y retourne trois fois l'an prochain, car, en Europe, ils ramènent les productions les plus populaires au programme plusieurs fois.»

Étienne n'oublie pas pour autant ses premières amours à saveur populaire. Au fil des ans, il a écrit des chansons, et il a donné son premier spectacle solo au Lion d'or en février.

«Je veux vraiment faire mes propres compositions et créer mon band, qui m'accompagnerait. Mon agent français, un puriste dont j'étais certain qu'il n'aimerait pas, a été emballé et m'a proposé de faire des spectacles solo en France et au Québec.»

D'ici là, les prochaines saisons seront chargées. Il chantera notamment dans Les pêcheurs de perles, à Munich, aux côtés de Diana Damrau et de Joseph Calleja, deux superstars du monde lyrique.

Dead Man Walking, les 9, 12, 14 et 16 mars, 19h30, à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts.