À quelques jours de la première de son Parsifal à New York, le réalisateur et metteur en scène québécois François Girard a permis à La Presse d'assister à une des dernières répétitions de son opéra dans l'illustre salle du Metropolitan Opera.

François Girard est d'une sérénité déconcertante, à un peu moins d'une semaine de la première de son Parsifal au Metropolitan Opera. Même si plus d'une dizaine de collègues de travail bourdonnent autour de lui et le bombardent de questions, il est décontracté, avenant.

Debout sur un des sièges du parterre, il tente de voir s'il y a moyen de rendre le lac de «sang», qui constitue le coeur du décor du deuxième acte, plus visible et plus spectaculaire pour les gens qui ne seront pas aux balcons.

À la fin de la répétition, le célèbre ténor Jonas Kaufmann lui confie également avoir quelques réserves sur la marre d'hémoglobine. «Le liquide ne me paraît pas assez épais», confie le chanteur en souriant.

«Je sais, lui répond Girard. Le problème, c'est que si on augmente la consistance, le liquide va bloquer les pompes qui doivent aspirer le «sang» à la fin de la scène, précise le metteur en scène. Mais on va trouver une solution.»

De longue date

Même s'ils doivent présenter l'opéra le plus attendu de la saison à New York, le ténor allemand et le metteur en scène québécois sont étrangement détendus. Il faut dire que la première mouture du spectacle, présenté à Lyon l'an dernier, a été fort bien accueillie. Et, surtout, les deux hommes se connaissent de longue date. Jonas Kaufmann était même présent au dîner new-yorkais où François Girard s'est fait proposer de mettre en scène un opéra au Met, il y a cinq ans.

«À l'époque, on ne savait pas de quel opéra il pourrait s'agir. De nombreuses possibilités ont été évoquées avant que l'on ne s'arrête sur le Parsifal de Wagner», précise le metteur en scène.

Girard, qui n'est pas un fan du répertoire opératique classique - «le cinéma est bien meilleur pour raconter des histoires», plaide-t-il -, a choisi de tenir les rênes de Parsifal, le dernier opéra de Wagner, parce qu'il y voit l'oeuvre la plus singulière du compositeur.

«La première raison qui me fait m'intéresser à une oeuvre d'opéra, c'est la musique. Et ici, on parle d'un chef-d'oeuvre de beauté. C'est une oeuvre charnière qui termine de façon définitive le répertoire romantique. Après Parsifal, tous les grands projets romantiques ont été abandonnés», dit-il avec une passion communicative.

Soulignant la complexité du texte, Girard avoue que ce sont la «beauté, la limpidité et la clarté» de la musique qui lui ont permis de ne jamais baisser les bras au cours des cinq dernières années.

«Wagner, c'est un gouffre, avoue-t-il. Parsifal, j'y ai mis cinq fois de plus de temps que j'imaginais au départ.»

S'il a mis autant d'énergie sur cet opéra plus grand que nature (plus de cinq heures), c'est aussi parce qu'il s'agit d'une commande du Met.

«Je pense que tous les gens qui se présentent sur un plateau du Met sont dans un esprit d'excellence et de dépassement. On essaie toujours de se dépasser. Mais, ici, le niveau de discipline, les méthodes de travail sont sans équivalent. J'ai été plus exigeant dans ma préparation, dans mon travail que je ne l'aurais été ailleurs», poursuit-il.

Commandé par le Met, Parsifal est coproduit par la Canadian Opera Company de Toronto et l'Opéra de Lyon où le spectacle a été développé. «Le Met est une machine fabuleuse à tous points de vue, sauf pour créer un nouveau spectacle», explique à ce sujet le metteur en scène.

Le calendrier du Met est tellement chargé qu'il est fort difficile d'y répéter, d'y développer de nouvelles idées. En tout, quatre opéras différents y étaient présentés cette semaine, seulement.

Ce soir, ce sera au tour de la production de Parsifal de faire face au public. Pour Girard, qui admet avoir vécu une excellente expérience à Lyon, la première new-yorkaise promet tout de même quelques papillons.

«On a joué devant un public éduqué, en Europe. Mais le soir du 15, la salle va être remplie d'experts de Parsifal, de Wagnériens, de gens qui ont une vraie connaissance de l'oeuvre, et qui ont des attentes. Ça aussi, cela élève le niveau d'exigence», conclut-il en riant.

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Parsifal du 15 février au 8 mars au Metropolitan Opera.