Quelqu'un, quelque part, a décrété qu'Alexandre Tharaud était un grand pianiste et la foule a suivi. En affichant M. Tharaud comme soliste de deux concertos, les Violons du Roy ont rempli la salle Bourgie hier soir et annoncent encore «complet» pour la reprise cet après-midi. Une équipe de télévision européenne est même venue enregistrer le concert d'hier soir. Bref, pour quelques heures, la démission du pape passe en deuxième place.

Tout ce branle-bas est-il justifié? Certainement pas. Cette fois encore, M. Tharaud joue avec son cahier à musique devant lui. L'un des seuls au monde à procéder ainsi, il ne manquera pas d'impressionner au plus haut point des milliers de téléspectateurs. Une assistante lui tourne ses pages dans le Bach... mais il y a progrès: il les tourne lui-même dans le Mozart.

Pour le Bach - le BWV 1058, en sol mineur - , M. Tharaud a au moins le mérite de ne pas chercher à imiter bêtement le clavecin d'origine. Il joue le concerto en utilisant les ressources du piano et ce, jusque dans la façon d'exécuter certains ornements. Néanmoins, l'ensemble de sa lecture - car il s'agit bien d'une lecture - reste des plus ordinaires. Il y a des élèves de conservatoire qui font mieux - et sans leur cahier à musique.

Le Mozart - le K. 488, en la majeur - se déroule de la même façon machinale, sans imagination, sans surprise; au surplus, le discours n'a pas toujours la parfaite égalité requise. La cadence entendue est celle de Mozart. Très bien. Mais ce qu'il y a là de plus expressif vient des pizzicati des cordes à la fin du mouvement lent. Et on continue de répéter: grand pianiste. Et on ovationne tellement que M. Tharaud ajoute un petit Scarlatti en rappel.

Labadie et ses musiciens ouvrent le concert avec, de Mozart encore, la Symphonie K. 201, en la majeur. Comme dans son accompagnement des concertos, le chef favorise une approche héritée du baroque: réduction du vibrato, accentuation souvent excessive. La qualité du jeu et du son est irréprochable, mais ce Mozart à 25 instruments ne satisfait pas et fait préférer un orchestre trois fois plus considérable. Si les échanges entre premiers et seconds violons sont clarifiés, de par leur position de chaque côté du podium, partout ailleurs on entend trop le détail par rapport à l'ensemble. On ne regrette donc pas que, dans chaque mouvement, Labadie ne fasse que la première reprise.

Concernant Rigel, ce n'est pas la première fois qu'il nous sert les produits sans intérêt de ce petit maître. Souhaitons que ce soit la dernière.

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LES VIOLONS DU ROY. Chef d'orchestre: Bernard Labadie. Soliste: Alexandre Tharaud, pianiste. Hier soir, salle Bourgie du Musée des beaux-arts; reprise auj., 14 h.

Programme:

Symphonie no 29, en la majeur, K. 201 (1774) - Mozart

Concerto pour clavier (clavecin ou piano) et cordes no 7, en sol mineur, BWV 1058 (c. 1730) - J. S. Bach

Symphonie no 8, en sol mineur (1783) - Rigel

Concerto pour piano et orchestre no 23, en la majeur, K. 488 (1786) - Mozart