De retour à Montréal en moins d'un mois, Bernard Labadie et ses Violons du Roy donnaient mercredi soir, dans une salle Bourgie presque comble, le programme axé sur Emmanuel Pahud qu'ils iront bientôt présenter aux États-Unis. Le programme, qui pourrait s'intituler «Une soirée chez Frédéric le Grand», est en partie celui du récent CD de M. Pahud, The Flute King, paru chez EMI.

Frédéric II, roi de Prusse, flûtiste amateur et compositeur du dimanche, est représenté ici par le troisième de ses quatre concertos pour flûte. Le concerto qui suit est signé Johann Joachim Quantz qui, lui, composait en quantité industrielle: 300 concertos pour flûte, disent les ouvrages de référence (305, corrige l'auteur des notes de programme). Quantz enseigna la flûte au roi et devint en 1741 son principal musicien de cour. Violoniste dans l'orchestre du roi, compositeur également, Frantisek Benda ouvre le concert avec une sinfonia en do majeur.

Voici donc, comme première moitié de programme, les pièces habilement tournées mais superficielles du monarque et de ses employés, pièces auxquelles Labadie et ses musiciens donnent du relief grâce à des accents très vigoureux et des tempi allants où rien ne traîne. Deux fois soliste avant l'entracte, Emmanuel Pahud ravit déjà l'auditoire par son mécanisme éblouissant, sa musicalité et sa sonorité immaculée.

La musique qui meuble l'après-entracte est d'un ordre supérieur car nous sommes en compagnie de Johann Sebastian Bach et de l'un de ses fils, Carl Philipp Emanuel, claveciniste chez Frédéric II. On évoque, bien sûr, l'anecdote célèbre du «ricercare a 6» (ou fugue à six voix) de l'Offrande musicale, que Bach développa sur un thème soumis par le roi. Pour cette pièce, Labadie fait jouer ses musiciens debout et répartit les six voix entre les 15 instruments à cordes et le clavecin.

Du fils Bach, on entend d'abord une sinfonia à l'écriture imaginative, inhabituellement colorée de violents tirés d'archet. Pahud revient avec, du même compositeur, un concerto où brille la même invention mélodique. Ovationné, il ajoute en rappel la célèbre Badinerie de la deuxième Suite pour orchestre de Bach, assortie d'un brin de cabotinage.

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LES VIOLONS DU ROY. Chef d'orchestre: Bernard Labadie. Soliste: Emmanuel Pahud, flûtiste. Mercredi soir, salle Bourgie du Musée des beaux-arts.