La vie est trop courte pour chercher un rapport entre les deux premières Saisons de Vivaldi et la pièce de Michel Longtin qui les relie en un mouvement ininterrompu. Peut-être l'avait-on oublié: il s'agit d'un autre de ces bizarres «concepts» imaginés par maestro Nagano, lequel en avait dirigé la création en 2006. Absent, il le remet au programme mais le confie cette fois à un chef invité, Julian Kuerti, et à un autre soliste, la jeune violoniste canadienne Karen Gomyo.

La pièce de Longtin faisait 24 minutes en 2006. Mercredi soir, elle en faisait 28. Comme la durée totale de l'exercice non-stop Vivaldi-Longtin-Vivaldi était encore de 45 minutes, on suppose que certains tempi des Saisons furent accélérés. Là encore, la vie est trop courte...

Chose certaine, le mélange a indisposé bien des auditeurs parmi les quelque 2000 qui remplissaient la salle. Il faut en faire abstraction: le Vivaldi fut en soi très réussi et le Longtin, la nouvelle acoustique aidant, a laissé une bien meilleure impression qu'il y a six ans.

Longtin sait faire sonner un orchestre, à la manière de Messiaen ou de Chavez, il sait être original (ce solo de violoncelle sorti de nulle part...) et la cacophonie qu'il commande est séduisante et manifestement inépuisable.

Quant aux deux petits concertos de Vivaldi - en français, on dira Le Printemps et L'Été -, Karen Gomyo les a joués avec une technique et une sonorité magnifiques, avec, aussi, des rubatos très prononcés et beaucoup d'ornements, comme le permet la tradition baroque. Seules les cordes dialoguaient avec elle, mais l'orchestre complet était sur scène, pour la pièce de Longtin.

L'après-entracte était occupé par les 38 minutes d'une suite en huit tableaux du ballet Roméo et Juliette de Prokofiev que Julian Kuerti avait lui-même agencée, selon une pratique de plus en plus courante chez les chefs d'orchestre. Sur les plans de la progression dramatique, des contrastes et de l'exécution, le Prokofiev de Kuerti et l'OSM fut une immense réussite, tant dans les plus tendres accalmies que dans les courses frénétiques et les dissonances les plus brutales. Tel un grand chef, Kuerti a renouvelé l'écoute de cette musique qu'il avait d'ailleurs mémorisée.

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ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef invité: Julian Kuerti. Soliste: Karen Gomyo, violoniste. Mercredi soir, Maison symphonique, Place des Arts. Série «Grands Concerts».

Programme:

La Primavera, en mi majeur, pour violon et cordes, op. 8 no 1, R. 269, ext. de Le Quattro Stagioni (1725) - Vivaldi

...et j'ai repris la route (2006) - Longtin

L'Estate, en sol mineur, pour violon et cordes, op. 8 no 2, R. 315, ext. de Le Quattro Stagioni (1725) - Vivaldi

Suite du ballet Roméo et Juliette, op. 64 (1935) - Prokofiev