Les Violons du Roy consacraient à Haydn le premier concert de leur 28e saison. Au départ, une idée très valable et pleine de promesses.

Pour l'occasion, Bernard Labadie avait puisé aux oeuvres les moins jouées du compositeur : une ouverture d'opéra comme entrée en matière, deux concertos pour piano avant et après l'entracte et, pour finir, l'une des symphonies les moins connues parmi les 100 et quelques du catalogue.

Visiter le Haydn moins familier était ici la formule idéale. Le résultat aurait pu être fascinant. Il ne le fut pas. L'exécution n'est nullement en cause : porté à 26 musiciens, l'orchestre fut, encore une fois, parfait d'exactitude et de style -- cela dit si l'on accepte, bien sûr, des cordes utilisant un vibrato réduit.

Le problème réside dans le choix des oeuvres. Malgré les accents dramatiques qu'y multiplie le chef, l'ouverture (ou «sinfonia») de l'opéra L'Isola disabitata -- ou L'Île déserte - reste une page assez ordinaire. On pourrait presque dire la même chose de la Symphonie no 89 (qui remplaçait celle qu'on avait annoncée).

Certaines symphonies de Haydn inconnues possèdent une personnalité et une originalité qui en font de véritables révélations. Dutoit nous valut de telles découvertes à l'époque de ses inoubliables Haydn du dimanche après-midi.

Sur la Symphonie no 89, presque rien à signaler, sauf les nombreuses interventions de la flûte (Danièle Bourget, impeccable), un ou deux amusants effets instrumentaux indiqués «strascinando» (en traînant), au finale, et la présence de reprises dans chacun des quatre mouvements.

(En passant, le «spectacle» des Violons du Roy nous valait une petite surprise. Voici, sauf erreur, le seul orchestre au monde où le deuxième basson est une femme aux cheveux bleus!)

Quant aux deux concertos pour piano - plus précisément pour le clavier, c'est-à-dire le clavecin ou le pianoforte de l'époque --, ce sont des produits sans grande substance musicale. On ne les joue jamais, et pour cause; en fait, on n'a pas le goût de les réentendre.

Leur seul mérite est de servir de véhicule à l'art pianistique proprement phénoménal de Marc-André Hamelin, qui tournait lui-même les pages de sa partition discrètement couchée dans le piano (le grand Steinway de l'OSM, prêté par son donateur David B. Sela, indique le programme).

La clarté de l'articulation, la musicalité de chaque trait, le relief des plans sonores, la vitesse sans précipitation des deux finales, indiqués «presto»: Hamelin réunit toutes ces vertus. Il va plus loin encore : lui-même compositeur, il joue ses propres cadences dans les deux concertos et y glisse des innovations harmoniques et rythmiques qui font de ces séquences pour piano seul des moments plus intéressants que les concertos eux-mêmes.

LES VIOLONS DU ROY. Chef d'orchestre : Bernard Labadie. Soliste : Marc-André Hamelin, pianiste. Samedi soir, Maison symphonique, Place des Arts. Programme consacré à Franz Joseph Haydn (1732-1809): Ouverture de l'opéra L'Isola disabitata, Hob. XXVIII:9 (1779) Concerto pour piano et cordes en fa majeur, Hob. XVIII:3 (c. 1765) Concerto pour piano et cordes en sol majeur, Hob. XVIII:4 (c. 1770) Symphonie no 89, en fa majeur, Hob.I:89 (1787)