La 79e saison de l'Orchestre Symphonique de Montréal - qui est aussi la septième de Kent Nagano comme titulaire et la deuxième de la nouvelle Maison symphonique - s'ouvre par trois auditions de la monumentale deuxième Symphonie de Mahler, que le compositeur, y voyant un long et laborieux triomphe de la vie sur la mort, intitula Résurrection.

La salle de 2000 places était bien remplie hier soir et des milliers de personnes purent écouter le concert grâce à la diffusion en direct de notre Radio nationale qui, si elle néglige la musique classique depuis quelques années, ne pouvait cette fois rester indifférente. Comme je l'ai rappelé mardi en chronique, c'est la 15e fois que Montréal entend la Résurrection depuis la première locale, à l'OSM, en 1965. L'OSM a d'ailleurs assuré neuf des 14 présentations précédentes, la dernière en date ayant été précisément dirigée par Nagano en 2007.

J'avais alors titré «Mahler en surface». Les choses ont changé. À 60 ans, Nagano s'assouplit comme interprète. Son Mahler bénéficie maintenant d'une gamme dynamique beaucoup plus grande. Ce qui doit être très fort prend les proportions d'un effondrement, ce qui doit être très doux se rapproche du silence sans qu'on en perde un iota. Nagano dirige avec la partition et reproduit à peu près tout ce qu'elle contient. Ainsi, ces curieux glissandos aux violons. Il ne les invente pas: ils sont écrits, chère madame qui s'en plaignait!

J'aimerais simplement que Nagano apporte plus de «charme viennois» à l'épisode en pizzicatos du deuxième mouvement et qu'il termine celui-ci bien «morendo», comme le demande Mahler. Par ailleurs, le compositeur prescrit une pause d'«au moins cinq minutes» à la fin du premier mouvement. Nagano réduit cette pause à une brève séance de «réaccordage» de deux minutes. Pour l'ensemble, une interprétation plus intéressante qu'il y a cinq ans. Il est vrai que le chef est aidé par un orchestre augmenté à 106 musiciens et extrêmement virtuose (on peut ignorer quelques petites fautes de premier soir) et, surtout, par une acoustique vraiment très supérieure à celle de Wilfrid-Pelletier. La nouvelle salle confère une saisissante profondeur aux cordes graves et crée des coloris très séduisants chez les bois - autant de vertus inexistantes dans l'autre salle. La partition suggère une durée totale d'environ 80 minutes. Nagano en prend 84, ce qui est dans la norme. Le concert est donné sans entracte.

Sagement assis depuis 20 h dans les gradins surplombant l'orchestre, le choeur mixte de 150 voix n'intervient qu'à la toute fin, 70 minutes plus tard, passant graduellement d'un quasi-murmure à une clameur d'une puissance égale à celle de l'orchestre. Importées d'Allemagne, les deux voix solistes n'ont rien de remarquable. Des voix d'ici auraient fait mieux - ont d'ailleurs fait mieux lors d'exécutions passées. Mais les priorités de Nagano sont bien connues... Avant le concert, le président du conseil d'administration de l'OSM, Me Lucien Bouchard, signale le récent don de 5 000 000$ de la mécène Jacqueline Desmarais, qu'il invite à se lever. Ce don est destiné à l'orgue de la nouvelle salle, qui sera inauguré le 24 mai 2014 et portera le nom de Pierre Béique, le «père» de l'OSM.

ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL et CHOEUR DE L'OSM (dir. Andrew Megill). Chef d'orchestre: Kent Nagano. Solistes: Christina Landshamer, soprano, et Anke Vondung, mezzo-soprano.

Hier soir, Maison symphonique, Place des Arts. Reprise ce soir et samedi soir, 20 h. Programme: Symphonie no 2, en do mineur, avec deux voix solistes et choeur (Auferstehungs-Symphonie) (1888-1894) - Mahler