Malgré la chaleur qu'il faisait dimanche, malgré, aussi, une santé fragile, Pierre Grandmaison a accepté de remplacer à quelques jours d'avis l'invité de la série de récitals qu'il présente les dimanches d'été à l'orgue de la Basilique Notre-Dame. Mieux encore, et en dépit de conditions absolument inhumaines, il avait monté un programme substantiel et en a donné une réalisation pleinement convaincante à tous égards.

Pierre Grandmaison appartient à cette catégorie de musiciens qui, parce qu'ils sont attachés à un lieu de culte, sont étiquetés «organistes d'église» par des collègues et amateurs d'orgue qui refusent de voir en eux d'authentiques interprètes de concert. M. Grandmaison a réduit ce préjugé à néant avec ce récital qui, dépassant l'heure prescrite mais se limitant à 80 minutes de musique, fut stimulant du commencement à la fin.

Comme on le sait, la série de Notre-Dame cet été est centrée sur le double 75e anniversaire de la mort de Charles-Marie Widor et de son disciple Louis Vierne. M. Grandmaison avait consacré la première demi-heure à Vierne. Il joua d'abord deux des Pièces en style libre, faisant courir l'éclatant mouvement perpétuel de Carillon sur des claviers se répondant, puis réduisant considérablement le volume sonore pour l'intimiste Lied. Des Pièces de fantaisie, deux titres également: Étoile du soir, où des jeux ingénieux soulignaient l'ambivalence tonale du morceau, et Sur le Rhin, doté d'une registration volontairement lourde et... germanique. Pour compléter le groupe Vierne: Stèle pour un enfant défunt, extrait du Triptyque op. 58, placé sur des anches aux couleurs appropriées.

Jacquelin Rochette, d'abord annoncé pour ce récital, avait programmé la cinquième Symphonie de Widor. La reprenant à sa place, M. Grandmaison la défendit avec la plus haute maestria. Il faut ignorer les petits dérapages sur les claviers affectés par l'humidité qu'il faisait là-haut. L'organiste attaqua l'Allegro initial avec une incroyable énergie, il assortit chaque mouvement de registrations originales qui faisaient oublier certaines longueurs, et conclut par une exécution vertigineuse - voire héroïque, dans les circonstances - de la tonitruante et célèbre Toccata finale.

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PIERRE GRANDMAISON, organiste. Dimanche soir, Basilique Notre-Dame (orgue à traction électropneumatique Casavant (1890-1991); 92 jeux, quatre claviers manuels et pédale).